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Une planète de glace autour d’une naine rouge

À seulement six années-lumière de la Terre

À seulement six années-lumière de la Terre, une planète de glace semble orbiter autour d’une naine rouge peu lumineuse.

Si elle existe vraiment, cette exoplanète pourrait en partie réaliser un rêve vieux de plusieurs décennies et devenir l’une des cibles les plus prometteuses des astronomes enthousiastes à l’idée de découvrir les nombreux mondes qui se trouvent hors de notre système solaire.

La potentielle nouvelle planète, décrite dans la revue Nature ce mercredi, orbiterait autour de l’étoile de Barnard, qui est la plus proche de notre soleil. En effet, si le lumineux système Alpha du Centaure est deux années-lumière plus proche et possède sa propre planète, il est lui composé de trois étoiles. Plus vieille que le Soleil, l’étoile de Barnard est environ six fois plus petite que celui-ci. Cette naine rouge, qui n’a été découverte qu’en 1916, est invisible, même avec un bon télescope.

Liée à la science-fiction depuis longtemps, l’étoile de Barnard est une inspiration pour les astronomes qui suggèrent la présence de planètes en orbite depuis les années 1960, ainsi que pour les auteurs de fiction, qui imaginent des aventures prenant place autour de ce petit point lumineux caché.

« L’étoile de Barnard est l’une des plus célèbres du ciel », indique Ignasi Ribas de l’Institut espagnol des Sciences de l’Espace. « Les astronomes cherchent des planètes autour de cette étoile depuis toujours. »

SÛRS À 99 %

Bien que l’existence des exoplanètes n’ait été confirmée par les scientifiques que dans les années 1990, Peter van de Kamp, un astronome néerlandais, avait rapporté 30 ans plus tôt que deux géantes gazeuses semblaient orbiter autour de l’étoile de Barnard, alimentant un intérêt pour confirmer l’existence de mondes voisins. Mais pour Ignasi Ribas, les planètes de Van de Kamp n’existent sans doute pas : autrement, son équipe aurait repéré des planètes aussi massives lors de leurs plus récentes observations. Toutefois, des planètes plus petites pourraient bien orbiter autour de cette étoile voisine, cachées depuis des décennies en raison de leur taille.

Même pour les étoiles si proches de nous, détecter des planètes plus petites n’est pas aussi simple qu’orienter son télescope dans la bonne direction. Ainsi, pour certaines techniques comme la recherche de transits planétaires, ce que faisait le prolifique télescope de la NASA Kepler, ce qui pose problème, c’est l’échelle. Les alignements qui nous offrent l’opportunité de repérer les mondes en transit sont relativement rares, mais comme Kepler ne regardait qu’une portion du ciel peuplée de centaines de milliers d’étoiles, il a fini par faire des milliers de découvertes.

D’autres techniques ne reposent pas sur de tels alignements, mais présentent des limites relatives au type de planètes qu’ils peuvent détecter. Erik Petigura de Caltech souligne que dans la plupart des cas, plus les planètes sont petites, plus la myriade de signaux qui révèlent leur présence devient difficile à extraire.

En 2016, Ignaci Ribas et ses collègues ont orienté sur l’étoile de Barnard l’instrument CARMENES, installé à l’observatoire espagnol de Calar Alto. Les scientifiques recherchaient de légères oscillations dans le mouvement de l’étoile, preuve qu’une planète en orbite exerçait sur elle une douce attraction. Des jeux de données collectés par six instruments d’observation différents pendant 20 ans avaient déjà suggéré qu’une telle planète pouvait exister. Les données récoltées indiquaient qu’elle effectuait certainement sa révolution en 233 jours terrestres.

Après 300 sessions d’observations supplémentaires, Ignaci Ribas et ses collègues furent satisfaits de découvrir dans le mouvement de l’étoile ces oscillations périodiques de 233 jours.

« Nous avons désormais près de 800 mesures que nous publions », a indiqué Ignaci Ribas. « Nous avons eu un signal très clair de la présence de la planète, donc nous n’avons aucun doute quant à la périodicité. »

Mais leur travail n’était pas terminé. Une fois le signal reçu, l’équipe devait exclure les autres sources possibles de cette oscillation, telles que les taches stellaires ou les zones actives, qui pourraient se faire passer pour une planète. Beaucoup de naines rouges produisent de nombreuses éruptions et spasmes, qui, au premier abord, peuvent être confondues avec une planète en orbite. Toutefois, d’après les observations des scientifiques, l’étoile de Barnard est exceptionnellement calme et sage : c’est la raison pour laquelle l’équipe a plutôt confiance en sa découverte.

« Nous sommes sûrs à 99 % qu’il s’agit d’un signal provenant d’une planète. Mais 99 %, ce n’est pas 100 », a confié Ignaci Ribas. « Et si la planète de l’étoile de Barnard n’est pas vraiment là ? On tirera sur cette théorie de nombreuses fois, les gens essaieront de la démonter, mais la science fonctionne ainsi. »

UNE PLANÈTE GLACIALE

Sans surprise, certains astronomes ne sont pas aussi convaincus que l’équipe ait repéré une exoplanète extrêmement proche.

« Il n’y a aucun doute possible à la présence de quelques signaux périodiques dans les données et il est rassurant que celui-ci semble être figurer dans plusieurs jeux de données », indique Erik Petigura. « Cependant, je n’appellerais pas cela une détection sûre. »

De plus, comme le fait remarquer Debra Fischer de l’Université de Yale, les 20 années de données sur lesquelles l’équipe a établi son affirmation sont désordonnées et peu concluantes.

« C’était un effort héroïque », déclare-t-elle. « Mais malgré la quantité d’observations qui ont été analysées, le signal putatif est noyé par les erreurs de mesures. Heureusement, les spectrographes nouvelle génération qui devraient fournir des données plus précises sont en construction et devraient être capables d’enquêter sur cette planète potentielle. »

Si les études ultérieures confirment l’existence de la planète, celle-ci serait au moins trois fois plus massive que la Terre et il y ferait très froid. L’étoile autour de laquelle la planète effectue une longue orbite n’est pas très lumineuse : la température moyenne au sol de l’exoplanète avoisinerait les -168 °C. Il y ferait donc bien trop froid pour que la vie telle que nous la connaissons puisse se développer en surface.

« Si je devais imaginer à quoi ressemble cette planète, je dirais qu’elle pourrait ressembler à quelques-unes des lunes de Jupiter ou de Saturne, en plus grande », avance Erik Petigura. « Quelque chose de semblable à Europe, Ganymède, Callisto ou Titan, avec beaucoup de roches, mais aussi de la glace. »

Il reste encore une question clef : la planète serait-elle suffisamment grande pour avoir une atmosphère ? Si la réponse est oui, elle pourrait alors ressembler davantage à une mini-Neptune qu’à une super-Terre. Mais même

« si elle avait une atmosphère semblable à celle de la Terre, la planète serait bien trop froide pour que de l’eau à l’état liquide existe en surface. »

Cela dit, de nombreuses planètes glacées figurent dans les annales de la science-fiction, à l’instar de Hoth, l’iconique champ de bataille dans Star Wars, ou encore Delta Vega, monde de glace qui fut le théâtre de la rencontre entre le jeune capitaine Kirk et le vieux Spock dans Star Trek. Enfin, dans la série Le Guide du voyageur galactique, une planète en orbite autour de l’étoile de Barnard sert tout simplement de gare pour les voyageurs de l’espace.

Si jamais cette planète potentielle est trop froide pour accueillir la vie telle que nous la connaissons, ce monde attirant pourrait avoir sa place dans les pages de notre imagination.

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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