France

Emmanuelle MACRON: L’affaire McKinsey

la commission d’enquête du Sénat à l’origine des révélations

POLITIQUE – Le gouvernement espérait tuer dans l’œuf la polémique McKinsey, en envoyant deux ministres devant les journalistes mercredi soir. Mais ce jeudi 31 mars, cette “opération déminage” est jugée sévèrement par Arnaud Bazin, président (LR) de la commission d’enquête du Sénat à l’origine des révélations.

“J’ai été très très étonné par une telle opération de déminage assez contradictoire”, déclare le sénateur sur franceinfo. “On envoie deux ministres, dans l’urgence [la conférence initialement prévue ce jeudi matin a été avancée au mercredi soir, NDLR] et dans le même temps on accepte la plus grande partie des propositions du Sénat.”

Il accuse le gouvernement d’être dans “une opération de minimisation permanente.” “Le gouvernement n’a toujours pas compris que le phénomène interroge toute la société”, déplore-t-il.

En conférence de presse mercredi soir, la ministre de la Transformation et de la Fonction publique Amélie de Montchalin et celui des Comptes publics Olivier Dussopt ont assumé un recours “habituel et utile” aux cabinets de conseil privés. “Nous ne nous sommes pas dessaisis de nos responsabilités”, a assuré Amélie de Montchalin.
Rien d’illégal, mais manque de transparence

Arnaud Bazin le reconnait, le gouvernement n’a rien fait d’illégal en agissant de la sorte. Toutefois, il déplore le manque de transparence autour de cette pratique. “Nous avons eu communication des bons de commande dans le cadre de ces marchés. (…), mais c’est uniquement dû au fait que nous avons des pouvoirs particuliers en tant que commission d’enquête. Le public n’a pas accès à tout cela, parce que ces marchés sont passés dans des accords-cadres”, des “procédures qui ne sont pas transparentes”.

Et si, comme le martèle le gouvernement, le travail d’un gouvernement avec ces consultants ne date pas du quinquennat Macron, Arnaud Bazin assure qu’il est impossible de faire la comparaison avec ses prédécesseurs, faute de données disponibles. “Nous avons demandé les chiffres du quinquennat précédent, mais on nous a dit qu’avant 2018 il y avait un problème de périmètre du logiciel”, explique-t-il sur France info.

Les impôts McKinsey questionnés

Si le rapport du Sénat a autant fait polémique, c’est parce qu’il révèle que malgré les sommes faramineuses versées par le gouvernement à McKinsey pour ses services, l’entreprise américaine n’a pas payé d’impôts en France depuis 10 ans.

Dans un communiqué le 26 mars, la firme a démenti cette information, assurant que “sa filiale de mise en œuvre a payé 6 ans l’impôt sur les sociétés”. Une affirmation balayée par Arnaud Bazin “Nous sommes allés aux services fiscaux, pour nous faire confirmer ce que nous avions eu comme écrits de leur part, à savoir que McKinsey Compagnie et McKinsey SAS, les deux sociétés repérées par Bercy sur notre demande, n’ont pas payé un euro d’impôts pendant les 10 années passées. C’est un fait établi”, assène-t-il, estimant que “c’est vraiment se ficher du monde” que d’évoquer désormais une autre entité, sans précisions.

La veille, le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt a assuré qu’une “opération de contrôle” avait été lancée fin 2021 sur la situation fiscale de l’entreprise. Il a cependant refusé de commenter l’issue ou les conséquences possibles de ce contrôle.

Quelles peuvent être les conséquences judiciaires ?

Un rapport du Sénat, publié le 17 mars, a mis en lumière l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques, avec la multiplication des contrats ces dernières années.

Parmi eux, le cabinet McKinsey, qui a notamment conseillé le gouvernement sur la campagne de vaccination, n’aurait pas payé d’impôts entre 2011 et 2020, selon la commission d’enquête, estimant qu’il s’agit « d’un exemple caricatural d’optimisation fiscale ».

En parallèle, le Sénat a saisi la justice pour « suspicion de faux témoignage » contre un dirigeant d’une filiale française de McKinsey, qui avait assuré lors d’une audition que le cabinet payait bien l’impôt sur les sociétés en France.

« S’il y a preuve de manipulation, que ça aille au pénal ! » C’est par cette phrase qu’Emmanuel Macron, accusé d’avoir démultiplié les contrats avec des entreprises de conseil depuis son élection, a répondu à ses détracteurs. Au centre de la polémique : le cabinet McKinsey, embauché notamment pour conseiller le gouvernement sur la campagne de vaccination.

Selon une commission d’enquête du Sénat, des entités françaises du cabinet américain McKinsey n’auraient pas payé d’impôts sur les sociétés en France entre 2011 et 2020. De quoi parle-t-on exactement ? S’agit-il de fraude fiscale ? Quelles peuvent être les conséquences judiciaires ? 20 Minutes fait le point pour vous permettre d’y voir plus clair.

C’est quoi « l’affaire McKinsey » ?

L’affaire est partie d’un rapport publié le 17 mars dernier par la commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques. Selon les investigations des sénateurs, les dépenses du gouvernement dans le domaine ont plus que doublé en 2021, avec 893,9 millions d’euros versés par les ministères à des cabinets de conseil, contre 379,1 millions d’euros en 2018, pour des contrats passés avant le quinquennat d’Emmanuel Macron.

Parmi ces cabinets figure McKinsey, une entreprise américaine qui possède plusieurs filiales en France, dont les deux principales « McKinsey & Company Inc. France et McKinsey & Company SAS ». Ces dernières ont été sollicitées par l’Etat pour différentes missions de conseil, notamment sur la réforme des APL, la réforme des retraites ou plus récemment sur la gestion du coronavirus. Pendant la crise sanitaire, le gouvernement aurait dépensé plus de 12 millions d’euros pour s’offrir les conseils de McKinsey sur la campagne de vaccination, affirment les sénateurs, qui reprochent au cabinet de faire de l’optimisation fiscale.

Les filiales de l’entreprise américaine n’auraient payé aucun impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020, alors que leur chiffre d’affaires sur le territoire a atteint « 329 millions d’euros en 2020, dont environ 5 % dans le secteur public », a affirmé le Sénat. « Le cabinet McKinsey est bien assujetti à l’impôt sur les sociétés (IS) en France mais ses versements s’établissent à zéro euro depuis au moins 10 ans », a dénoncé la Commission d’enquête dans son rapport.

C’est quoi « le prix du transfert » dont est soupçonnée l’entreprise ?

Selon la commission d’enquête, il s’agit « d’un exemple caricatural d’optimisation fiscale ». Et le mécanisme utilisé par le cabinet est assez connu et fréquemment employé par les multinationales, selon Vincent Drezet, fiscaliste à l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (ATTAC) : on appelle ça « le prix de transfert ».

Que risque le cabinet McKinsey ?

Tout l’enjeu désormais pour l’administration fiscale, c’est de vérifier que McKinsey a évalué ces prix de transfert « à leur juste valeur ». Si le prix payé par McKinsey France à la maison mère aux Etats-Unis est trop élevé, « il peut y avoir un redressement fiscal », c’est-à-dire un rattrapage des impôts qui n’ont pas été payés, décrypte Vincent Drezet. « En plus du redressement, l’entreprise peut avoir des pénalités de 40 à 80 % du montant de l’impôt. Ça peut être dissuasif », ajoute le fiscaliste.

Mais il n’y a pas que les sanctions fiscales. Depuis 2019, et la levée du « verrou de Bercy », l’administration fiscale a l’obligation de signaler à la justice les redressements fiscaux de plus de 100.000 euros. « Si le montant est supérieur, l’administration fiscale transfère le dossier au parquet, qui décide, ou non, de poursuivre pour fraude fiscale », détaille Aïda Kammoun. Mais pour que des poursuites soient engagées pour fraude fiscale, « il faut qu’il y ait deux conditions : un impôt qui n’a pas été payé et l’intention délibérée d’avoir voulu frauder », fait savoir l’avocate.

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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