Ah la la Forbach !
Sa brume et son ambiance morose et ses habitants plus fatigués qu’un hamsters dans une roue qui grince. Il suffit de déambuler dans les rues pour mesurer l’ampleur du drame. Des visages tirés par la lassitude, une pâleur digne d’un tournage de film noir et un horizon bouché par l’ennui.
– Les pauvres sont en première ligne de ce théâtre pathétique, pas de rôle secondaire, pas d’applaudissements, juste un quotidien qui ressemble à un mauvais scénario qu’on aurait déjà vu cent fois, sans possibilité de zapper. Les pauvres toujours en première ligne et offrent aux passants une leçon de résilience ou du moins de désolation assumée.
On aimerait tant redonner un sourire aux lèvres à ces âmes en peine, mais la réalité nous frappe. Plus on tente de rallumer l’étincelle, plus l’on se retrouve impuissant face à un mal-être qui se propage.
N’est-ce pas là le triste reflet de notre époque ?
Moi, journaliste satirique aux grands idéaux, j’aimerais tant leur redonner un soupçon de joie. Leur offrir un moment de légèreté qui effacerait leurs ennuis. Mais voilà mes chers Forbachois, je suis démuni. Impuissant. Écrire des petites blagues, ouais c’est mignon mais ça ne remplit pas le frigo et encore moins les cœurs brisés par l’injustice sociale. Le mal-être qui me ronge, je sens qu’il est partagé, comme s’il flottait dans l’air un fin brouillard existentiel qui nous enveloppe et nous fait tousser du spleen.
Dépassé par un présent sans futur, Forbach semble vivre dans une rétrospective amère où l’on regrette sans cesse le passé et oubliant que même le plus vieux disque a sa dernière note.
Alors que reste-t-il ?
Sommes-nous condamnés à errer dans cette prison à ciel ouvert, où l’espoir se fait timide et rare ?
Ou bien le soleil finira-t-il par percer ce nuage permanent de désillusion ?
J’entends des gens dirent :
– C’était mieux avant.
Avant quoi ? Avant qui ? On ne le sait plus trop. Toujours est-il que le présent nous englue dans une sorte de marasme sans fin.
Et l’avenir me direz-vous ?
Il se fait discret, un peu comme cet espoir qui se cache dans un coin en attendant que la grisaille cesse. Une grisaille tellement envahissante qu’on pourrait presque la confondre avec la peinture des façades, ces mêmes façades qui nous rappellent que la rénovation coûte cher et que sans emploi, on reste enfermé dans ce décor triste à pleurer.
Dans notre ville, le travail est le sésame qui ouvre toutes les portes. Sans emploi, il est difficile de s’offrir ne serait-ce qu’un moment de folie, une parenthèse où l’on peut enfin se faire plaisir.
Et la solidarité ?
Une notion devenue aussi chère que l’illusion d’un lendemain meilleur.
Même lorsque l’on tend la main, force est de constater que l’on se heurte à un mur épais et indifférent.
Rappelant à chacun que parfois, être là pour l’autre relève plus de l’exploit que du don du cœur.
La solidarité se fait rare parce que mise à mal par l’indifférence générale.
Forbach, c’est l’ironie d’un quotidien où l’on se débat entre l’envie de rire et la fatalité du désespoir. Une ville où l’on se demande si l’espoir pointera un jour le bout de son nez, ou si finalement nous sommes tous condamnés à évoluer dans ce décor de tragédie moderne. Là où la joie se fait rare et les sourires de plus en plus pénibles à offrir.
Sommes-nous donc condamnés à cette vaste prison à ciel ouvert ?
Vont-ils un jour lancer un plan miracle pour nous libérer de l’ennui ?
En attendant, vivre ici devient un numéro d’équilibriste. Pas de travail, pas d’argent, pas de loisirs.
Forbach n’est pas seulement une ville. C’est un miroir déformant où le mal-être se conjugue au présent et où le futur demeure une promesse qui s’évapore au fil des jours.
La question : oserons-nous encore espérer ou resterons-nous prisonniers d’un quotidien qui ne cesse de rappeler l’amertume de notre existence ?
David SCHMIDT