Site icon David SCHMIDT

La Fin de la chrétienté

Après seize siècles de règne sans partage, la civilisation chrétienne semble gravement décliner.

C’est en tout cas le diagnostic posé par la philosophe Chantal Delsol dans son dernier essai.
À quels bouleversements faut-il s’attendre ?

« Quand on ne croit pas en Dieu, on croit toujours en quelque chose. »

Dans son dernier livre, La Fin de la chrétienté (Éd. du Cerf), la philosophe entérine, comme d’autres avant elle, la sortie de l’ère chrétienne. Un déclin qui ne signifie pas pour autant, insiste-t-elle, la fin de la civilisation occidentale en tant que telle.

« Jamais une civilisation ne s’effondre totalement. Il en reste partout des lambeaux. On ne va pas recréer quelque chose à partir de rien! La “tabula rasa”, ce n’est pas possible, c’est une illusion de révolutionnaires. Tout ce que nous faisons aujourd’hui est imprégné d’évangélisme: c’est ce qu’on peut appeler l’“humanitarisme”, qui est une sorte d’humanisme dénaturé. L’humanitarisme, c’est exactement ce que Chesterton [écrivain catholique anglais du début du XXe siècle, ndlr] appelait les “vertus chrétiennes devenues folles” », assène Chantal Delsol.

La mode de « l’écologisme » constitue ainsi, selon la philosophe, un exemple concret de ce dévoiement des valeurs chrétiennes au filtre de la modernité. « Quand on n’est plus dans le monothéisme, on redevient “païens” au sens large: on récupère des croyances et des superstitions. Par exemple, nous avons tendance à faire de l’écologie une religion. L’écologie finit par avoir ses rites, ses prophètes et son catéchisme, enseigné dès l’école primaire aux enfants », illustre Delsol. sommes des êtres mortels, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous demander s’il n’y a pas des mystères derrière la porte », lance Chantal Delsol

Le dernier essai de Chantal Delsol ressemble à une longue complainte. La philosophe déploie une rhétorique de la déploration pour décrire la fin de « la chrétienté », qui n’est pas la fin du christianisme mais celle de son incarnation temporelle : une « marche à l’abîme », une « chute » où « tout se [défait] », tandis que « d’autres religions ont envahi la scène ».

A cette saturation terminologique s’ajoute un point de départ discutable. Avec la promulgation de la loi sur l’IVG en 1975, suivie d’autres lois sociétales (mariage pour tous, PMA), nous vivrions les derniers soubresauts de la chrétienté. Mais cette fin ne remonte-t-elle pas plutôt à la Révolution française ou à l’avènement de la modernité philosophique ? Chantal Delsol sait bien tout cela et le reconnaît : « Après les prémisses du XVIIIe siècle, la période révolutionnaire fut ce qu’on peut appeler le début de la fin de la chrétienté. » Nous ne serions donc pas en train de vivre la « fin de la chrétienté », mais « la fin de la fin ». Soit.

L’analyse de la philosophe gagne en intérêt lorsqu’elle fait la généalogie historique des « inversions normatives » qui se sont succédé. La chrétienté, qui commence avec la conversion de l’empereur Constantin au IVe siècle, avait inversé les valeurs romaines. Divorce, avortement, suicide, homosexualité, autrefois admis, sont désormais interdits. Mais alors que la chrétienté avait inversé les normes païennes, la postmodernité inverse les normes de la chrétienté. Aujourd’hui, nous vivons « l’inversion de l’inversion », soutient Chantal Delsol.

Indulgence envers les bourreaux et indifférence aux victimes

Ce changement de paradigme moral et ontologique indigne la catholique traditionaliste qui se prête à des considérations ambiguës : « L’homosexualité était bannie et méprisée, elle est aujourd’hui non seulement justifiée, mais vantée. L’avortement, auparavant criminalisé, se voit légitimé et conseillé. La pédophilie, considérée auparavant comme un pis-aller qu’on supportait pour la sauvegarde des familles et des institutions, est aujourd’hui criminalisée. »

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