Bienvenue dans la fosse aux oubliés
À Forbach, la pauvreté que j’ai vu chez des habitants, amis et dans mon existence actuelle, n’est pas seulement une réalité. Elle est devenue le quotidien des âmes qui s’effondrent dans le noir le plus total. Un carnaval morbide qui refuse obstinément de s’arrêter.
Ici la pauvreté n’est pas une condition, elle est une sentence définitive et impitoyable.
Une ville où chaque rue est un chemin vers l’enfer et où chaque visage porte les cicatrices invisibles d’une existence brisée. La pauvreté s’insinue partout, elle ronge votre vie entière comme une maladie incurable qui vous laisse à genoux, impuissant et humilié devant ceux qui vous regardent sombrer dans l’indifférence.
Quand les factures arrivent, c’est une gifle brutale, un rappel cruel que même survivre coûte trop cher et impose un choix cruel ; manger ou survivre. On se prive, on se tait, on fait semblant que tout va bien. Un mensonge pathétique qu’on répète tous les jours jusqu’à ce qu’on finisse par y croire. Et puis viennent les émotions sales, celles qu’on ne contrôle plus; la honte brûlante, la colère sourde, la peur glaciale, l’infériorité cruelle qui fait baisser la tête face à ceux qui vous méprisent ouvertement ou silencieusement.
On réduit souvent la pauvreté à une histoire d’argent, comme si quelques billets suffisaient à réparer les ravages qu’elle inflige quotidiennement. La pauvreté infecte tout ce qu’elle touche. Elle pourrit chaque instant de vie, anéantit chaque espoir, chaque rêve, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
Alors on se prive de nourriture, on se prive de dignité, on se prive même de l’idée d’un lendemain meilleur. On accepte la faim comme une vieille amie indésirable. La honte devient votre seule compagne, une honte si profonde qu’elle finit par définir qui vous êtes, une honte que vous portez constamment comme un vêtement souillé que vous ne pouvez jamais enlever.
Vous avez besoin d’aide ? Vous osez encore espérer ?
Vous vous abaissez à mendier devant ceux qui détiennent les miettes de votre survie ?
Opposez-vous à eux et vous serez abandonné, rejeté dans l’obscurité encore plus noire que celle que vous connaissez déjà. Ou alors préparez-vous à devenir leur esclave docile, silencieux, soumis.
Un mot de travers et vous perdez tout. Vous êtes leur jouet, leur ombre sans consistance, transparent comme les fantômes errant. Personne ne vous voit, personne ne vous entend parce que personne ne veut vraiment vous voir ou vous entendre.
L’État, les institutions, la société toute entière … Tous complices silencieux d’une maltraitance sociale organisée, bien cachée derrière de faux sourires administratifs. On vous juge, on vous classe, on vous broie dans la machine bureaucratique froide, impersonnelle et implacable. Vous n’êtes plus humain, juste un numéro à gérer, une statistique gênante qu’on espère effacer rapidement.
Même vos proches finissent par disparaître. Amis, voisins, famille, ils s’éloignent tous quand la misère frappe à votre porte. Ils s’échappent comme s’ils avaient peur d’être contaminés et ils n’ont pas tort. La pauvreté est contagieuse, elle se propage dans un engrenage infernal, sans échappatoire possible. Ils fuient la pauvreté comme on fuit une maladie incurable. Ils vous abandonnent, vous laissent sombrer seul dans cette spirale infernale qui vous aspire chaque jour un peu plus profondément dans l’abîme.
Peu à peu, vous perdez tout contact, vous devenez invisible, inexistant. Personne ne veut porter votre misère, personne ne veut entendre votre souffrance.
À Forbach, la pauvreté est plus qu’un fléau. C’est un destin scellé, une condamnation perpétuelle à l’exclusion, à la solitude, à la souffrance sans fin. Si vous êtes pauvres ici, cessez d’espérer et mettez fin à vos jours. Regardez autour de vous : votre avenir est déjà mort, enterré sous les décombres d’une société qui n’en a strictement rien à faire de vous.
Voyez votre ville comme un immense cimetière, rempli de vivants morts intérieurement, attendant simplement la fin. Bienvenue dans le néant.
David SCHMIDT, plus que deux mois de chômage et tout sera fini. Plus de serveurs informatiques, plus de FOR’FM, plus de sites web… Plus de dignité. Deux années passées à chercher du travail et à espérer en vain, à être humilier pour rien. Aujourd’hui, j’abandonne. Je suis à bout. Il ne restera que cette chaîne YouTube et ces réseaux sociaux, simples vestiges d’une bataille perdue d’avance, preuves dérisoires qu’un jour quelqu’un a tenté de s’en sortir, avant d’être broyé, anéanti, rattrapé impitoyablement par la réalité brutale de la vie.