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Marioupol: le difficile quotidien des habitants pour survivre

Grande ville portuaire assiégée au prix d'une catastrophe humanitaire

À ce stade de « l’opération spéciale » comme dit le Kremlin, la conquête du Donbass semble difficile d’ici le 9 mai. La prise de Marioupol, grande ville portuaire assiégée au prix d’une catastrophe humanitaire, pourrait être présentée comme une victoire. En attendant, la population s’organise pour survivre.

C’est une de ces journées à Marioupol – où les combats deviennent à nouveau plus violents : avions dans le ciel, tirs répétés sur la zone industrielle – que les séparatistes pro-russes, qui nous accompagnent pour ce reportage, n’arrivent pas à prendre. Ce jour-là, une fumée noire se dégage de l’usine de chimie.

Du côté du théâtre, plusieurs personnes qui s’affairent autour d’un puits improvisé. Une femme explique : « À l’origine c’est une bouche d’incendie sur une source, pour les pompiers. En cas de feu, ils venaient s’alimenter ici. Les gens savaient que c’était là alors ils l’ont ouvert… que faire d’autre ? L’eau c’est essentiel. »

Vidéo: La municipalité de Marioupol a indiqué que la ville a été bombardée cette nuit par deux « bombes superpuissantes »

Un par un, ils descendent un seau avec une corde et remplissent des bidons, des bouteilles, parfois des bassines. Elle poursuit : « Nous on vient tous les jours. Nous ne pouvons pas prendre trop de poids avec nous. Et il faut bien tirer la chasse d’eau, se laver les mains, les pieds, les cheveux, faire la vaisselle… Cela fait 43 jours que c’est comme ça, et que nous venons tous les jours. »

Dans Marioupol, on croise aussi de plus en plus de personnes avec des brouettes chargées de bois coupés dans les arbres des parcs et jardins pour faire le feu pour cuisiner. Les habitants viennent aussi dans les appartements dévastés et vides récupérer de quoi couvrir les fenêtres ou remplacer un tabouret.

Les radios des soldats séparatistes pro-russes qui nous accompagnent crépitent, le signal qu’il ne faut pas s’attarder dans cette partie dévastée du centre-ville. Les voilà qui hèlent un passant et lui intiment l’ordre de s’éloigner. Un des soldats précise : « Ici, presque toutes les armes sont utilisées, à partir du calibre 7,62, des balles, des armes légères, jusqu’aux gros calibres, et des obus aussi. »

À quelques pas pourtant une famille qui erre pour quelques minutes grappillées en dehors d’un abri anti-bombe. « Nous n’avons pas de bougies, pas de lumière, rien. Comment passer le temps dans un sous-sol ? Le plus souvent, nous sortons pour cuisiner et nous retournons directement au sous-sol. Au moins pendant qu’il fait jour, les enfants peuvent dehors jouer à quelque chose. Dominos, dames, cartes… », témoigne la mère.

Quelques mètres plus loin, Pavel, 6 ans, et les joues rondes et roses de l’enfance court après sa sœur aînée sous le regard de sa mère et de sa tante. « Non, on n’a pas peur des explosions. On s’y est déjà habitués. On fait même du vélo et du scooter ici. On n’a pas peur. Si on rassemble son courage, ce n’est pas du tout effrayant. Et puis j’aurai bientôt sept ans et je vais aller à l’école cet été. Tout le monde aime l’école en été. Moi aussi j’aime ça », espère le petit garçon.

Pavel le sait bien et il en parle : son école a été détruite par les bombes.
Mais sa mère lui a promis qu’il irait quand même en classe, quelque part, d’ici l’été.

Marioupol au bord de la chute

La zone portuaire de Marioupol, hautement stratégique, est sur le point de tomber aux mains des forces russes. Sur place, les soldats ukrainiens manquent de munitions pour poursuivre la résistance.

« Ce sera la mort pour certains d’entre nous et la captivité pour les autres. Nous ne savons pas ce qu’il va se passer, mais nous vous demandons vraiment de vous souvenir (de nous) avec un mot gentil », a demandé la 36e brigade aux Ukrainiens. « Pendant plus d’un mois, nous avons combattu sans réapprovisionnement en munitions, sans nourriture, sans eau« , faisant « le possible et l’impossible », a ajouté cette unité, précisant que « la moitié » de ses membres sont blessés.

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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