France

Un détenu raconte son calvaire

« Ils s’acharnaient sur moi ! » : un détenu raconte son calvaire en cellule

Un ancien détenu d’une prison lilloise a raconté mardi 5 novembre aux assises du Nord les multiples sévices, « brûlures », « coups », brimades et « tentative de viol », infligés pendant plusieurs jours en 2013 par deux hommes qui partageaient sa cellule, pourtant « trop petite » pour trois.

Maison d’Arrêt de Coutances. | ANTOINE SOUBIGOU / Par Elia VAISSIERE

« Je hurlais de douleur, je me débattais […] J’avais l’impression qu’ils n’arrêteraient jamais », lance Bachir, 25 ans, encore plein de « rage » à la barre de la cour d’assises de Douai (Nord). Face à lui, les deux accusés Driss El-B. et Driss A., poursuivis pour « torture, actes de barbarie » et « tentative de viol », gardent les yeux au sol.

Incarcérés ensemble en avril 2013 au sein de la maison d’arrêt de Lille-Sequedin dans une cellule normalement conçue pour deux, les trois détenus âgés de 18, 19 et 20 ans ont au départ de « bons » rapports, assure Bachir. Driss El-B., ancienne « connaissance du quartier », à Roubaix, qui exécute huit mois de prison pour des délits liés aux stupéfiants, « dort sur le lit superposé ». Driss A., quatre mois de prison pour vol, échange avec Bachir le lit du bas et le matelas au sol, « une semaine sur deux ».
Escalade de violence

Lorsqu’ils s’ennuient, les codétenus se prêtent à des « jeux de lutte », en « corps à corps ». « Mais petit à petit, ils se sont mis à deux contre moi, c’est devenu plus intense, plus dur », dénonce Bachir. À coups de pieds, de poings, les combats laissent des marques visibles sur le corps du jeune homme, qui « ne sort plus » en promenade.

Mais les faits de torture « ont vraiment commencé avec la bouteille d’épices. Driss A. me tenait, Driss El-B. a essayé de l’introduire dans mon anus », affirme Bachir en dénonçant une « tentative de viol ». Les dates, causes et circonstances restent floues. Pudique, Bachir peine à raconter, atteint dans « son honneur ».

La Cour revient sur l’épisode d’un « strip-tease », exécuté « pour rire » par Bachir à la demande d’un codétenu et décrit pendant l’instruction comme un moment de bascule. « Ça m’a fait péter les plombs », avait dit Driss El-B aux enquêteurs.

« Je ne comprends pas pourquoi j’ai fait ça »

Pendant une dizaine de jours, les accusés infligent alors à Bachir de nombreuses brûlures, dont une de 12 cm de long administrée à l’aide d’une casserole bouillante, d’autres sur le torse et les bras avec des capuchons de stylo fondus ou encore sur les parties génitales avec des allumettes. Selon l’enquête, Driss El-B., souvent décrit comme le « meneur », va jusqu’à appliquer de l’eau de Javel sur les plaies encore à vif, disant vouloir les « désinfecter ». Bachir subit aussi des humiliations, insultes homophobes et menaces mais n’entend « pas parler » et veut « régler ça, lui-même.

C’est la sœur de Bachir, inquiète après avoir vu son frère « plein de sang » au parloir, qui appelle finalement à l’aide un ex-éducateur puis l’administration pénitentiaire, malgré les « menaces » de plusieurs « amis de Driss El-B. », déclenchant ainsi la procédure judiciaire.

« Pardonne-moi, même moi, je ne comprends pas pourquoi j’ai fait ça », lâche Driss El-B. depuis le box des accusés. Actuellement incarcéré pour d’autres faits, il dit désormais « vouloir assumer » après avoir longtemps nié. « J’ai tout fait », balbutie-t-il : « pour la bouteille, je ne sais pas si c’est arrivé, je n’ai jamais voulu le violer ».
Un « engrenage »

Comparaissant libre, Driss A. nie de son côté toute participation et charge son co-accusé. « J’aurais dû parler » mais « j’allais sortir de prison. J’avais peur », « je n’ai pensé qu’à moi », lâche-t-il.

Appelés à la barre, des experts soulignent « l’immaturité » des codétenus, la personnalité violente de Driss El-B. et « l’effet de groupe » devenant « engrenage » dans le « huis-clos de la cellule ».

« Ce sont des violences innommables, portées à un degré supérieur à ce qu’on voit habituellement », commente l’avocat de Bachir, Charles Cogniot, y voyant toutefois « un épisode de plus des violences carcérales ».

(Source : Ouest-France)

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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