David SCHMIDTFrance

Faut-il l’interdiction de l’écriture inclusive?

Vers un langage non sexiste

La France a interdit l’utilisation d’un langage non sexiste dans les documents officiels, acclamant les défenseurs de la tradition linguistique et mettant en colère les féministes qui y voient un revers pour l’égalité des droits.

Les déclinaisons de mots dans la langue française hautement régularisée signifient que la fin de nombreux mots indique s’ils se réfèrent à des hommes ou à des femmes, et une écriture dite inclusive a été utilisée pour contourner ce problème et rendre certains mots non sexistes.

Mais dans un mémo aux ministres mardi, le Premier ministre a interdit l’écriture intégratrice, déclarant « Dans les documents officiels, le masculin est une forme neutre qui doit être utilisée pour les termes applicables aux femmes aussi bien qu’aux hommes ».

Cette décision divise l’opinion en France, qui prend très au sérieux la préservation de sa langue et de sa tradition.

« Excellente décision« , a déclaré l’éminent journaliste Jérôme Godefroy sur Twitter en réaction à cette décision . « La sur-réaction linguistique de la gauche bohémienne bourgeoise et politiquement correcte peut se casser la gueule. »

L’écriture inclusive a été recommandée par la commission d’État pour l’égalité en 2015 et a été de plus en plus adoptée par les ministères, les universités et les manuels scolaires.

Elle consiste essentiellement à insérer une ponctuation au milieu des mots – par exemple « ami(e)s » ou « ami-e-s » au lieu de « amis » – pour que le mot « amis » couvre les deux sexes, par opposition au masculin qui a normalement la priorité.

Cette initiative a suscité de vives critiques, l’Académie française, institution séculaire et gardienne de la langue nationale, estimant que l’écriture inclusive constitue un « danger mortel » pour le français.

Cependant, ses défenseurs affirment qu’elle promeut l’égalité des sexes et brise les stéréotypes.

« Il est intéressant de noter que l’utilisation de la forme féminine ne soulève aucune objection pour des emplois tels que cuisinier ou infirmier, alors que pour le chancelier ou le procureur, c’est un anathème », ont déclaré au journal Le Monde plus tôt cette semaine Danielle Bousquet et Françoise Vouillot, deux membres du Haut Conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes en France.

Le langage non sexiste a également suscité un débat en Grande-Bretagne, où la fureur a éclaté après que Natasha Devon, ancienne championne gouvernementale de la santé mentale, a déclaré mardi aux directeurs des principales écoles de filles qu’ils devraient cesser d’appeler les élèves « filles » ou « dames » parce que cela leur rappelle leur sexe.

« La Grande-Bretagne perd la tête », a tweeté mercredi l’animateur d’un talk-show britannique, Piers Morgan, en réaction au discours de Devon.

En Allemagne, où les noms ont également des genres spécifiques, le ministère de la justice a déclaré en 2014 que tous les organismes publics devraient utiliser un langage non sexiste dans les documents officiels.

Le Premier ministre a mis un frein aux tentatives de rendre la langue française plus favorable aux femmes, en interdisant l’écriture inclusive » dans les textes officiels.

Les mesures visant à mettre fin à la domination linguistique du masculin sur le féminin ont suscité un débat passionné en France, alors qu’une vague de révélations sur le harcèlement et les agressions sexuelles continue de faire la une des journaux du monde entier.

Au centre de la rangée se trouve l’utilisation croissante de formulations permettant d’embrasser les deux sexes au pluriel, ce qui nécessite l’insertion de points intermédiaires qui ressemblent à des points flottants dans les mots, au grand dam des puristes.

Les chiens de garde de la langue française disent « non » au style neutre

Par exemple, le mot pour un groupe de lecteurs mixtes est généralement écrit en tant que lecteurs, même si les femmes sont plus nombreuses que les hommes, plutôt qu’avec le pluriel féminin, lectrices. En utilisant l’écriture inclusive, le mot serait écrit en tant que lecteur-rice-s.

Dans un mémo adressé à ses ministres mardi, le premier ministre a déclaré « Le masculin est une forme neutre qui doit être utilisée pour les termes susceptibles de s’appliquer aux femmes ».

Soulignant la nécessité d’utiliser un langage formel dans les textes juridiquement contraignants, il a demandé aux ministères d’éviter une écriture inclusive, « notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté ».

Les ministres ont également été chargés de veiller à ce que la forme traditionnelle soit utilisée dans tous les services publics relevant de leur autorité.

Le bureau du Premier ministre a déclaré que la note de service était destinée à « mettre fin à la controverse » mais que le gouvernement était toujours « résolument engagé à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Le débat semble cependant s’enliser, avec la défenseur d’une écriture inclusive disant que la langue française doit suivre l’évolution des temps.

Plusieurs ministères, universités et syndicats ont utilisé la forme non sexiste, mais elle a largement échappé à l’attention du public jusqu’à ce qu’elle apparaisse récemment dans un manuel d’histoire de l’école primaire. Dans ce livre, les agriculteurs sont qualifiés d’agriculteurs-riciers et les propriétaires de magasins de commerçants.

Une Académie française consternée gardienne de la langue française, est passée à l’offensive, avertissant que cette « aberration » ponctuée rendrait le français trop complexe, le mettant « en danger de mort ».

Le ministre de l’éducation a également pris la parole, déclarant que le français « ne doit pas être exploité pour mener des batailles, aussi légitimes soient-elles ».

Ce n’est pas la première fois que l’on cherche à rendre le français plus équilibré, ce à quoi se sont régulièrement opposés les membres de l’Académie française, connus sous le nom de « Les Immortels ».

En 2015, le Haut Conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes a publié un guide invitant les organismes publics à éviter les stéréotypes sexuels, par exemple en utilisant les formes féminines de « pompier » et « auteur », le cas échéant.

Certains critiques, comme le philosophe Raphaël Enthoven, se sont opposés à ce qu’ils considèrent comme une approche prescriptive de la langue parlée par 275 millions de personnes dans le monde. Selon eux, l’usage de la langue devrait pouvoir évoluer naturellement au fil du temps.

David SCHMIDT

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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