David SCHMIDTPsychologie

Dossier : Violences sexuelles au sein du couple 1/2

En parler pour briser le tabou

Le couple est un espace où le respect mutuel doit primer. Il arrive cependant que, dans l’intimité, les rapports soient déséquilibrés. Alors que la notion de consentement peine encore à s’imposer dans les relations sexuelles conjugales, il est essentiel de prévenir les dérapages.

Sommaire :

Parler pour éviter la répétition des agressions
Saisir des occasions pour revenir sur l’agression
Faire intervenir un tiers : la thérapie

Si le discours sur la libération sexuelle a embarqué la société dans les années 1960, un espace continue de résister : le couple. « Derrière la sexualité, il y a de nombreux non-dits, des refoulements, résume Jean-Claude Kaufmann, sociologue et auteur de Pas envie ce soir (Les Liens qui libèrent, 2020).

Le couple, c’est le contraire de la sexualité libérée. Ce n’est pas par pudeur que l’on a du mal à parler de ces choses-là dans un couple, c’est parce qu’au fond, il y a la question du désir, et ça, c’est le grand tabou actuel ».

Parler pour éviter la répétition des agressions

Le dialogue reste une première étape essentielle pour essayer de mettre fin à une situation déplaisante avant qu’elle ne devienne intolérable. Parce qu’elle provient d’une personne en qui on a confiance, que l’on a choisie, l’agression sexuelle par le conjoint est difficilement reconnue comme telle au premier abord. Pourtant, certains facteurs doivent alerter sur une situation qui se tend : crispation, souffrance, douleur psychique ou physique lors de rapports sexuels sont autant d’indices du glissement d’une relation saine et consentie vers une relation subie ou contrainte.

Lorsque l’agression a lieu, la sidération paralyse ; il n’est pas évident de réagir sur le coup pour repousser le conjoint, que l’on peine à définir comme agresseur, ou à exprimer son ressenti. Mêlant dans son esprit les sentiments de honte et de culpabilité, la victime tend ensuite, par réflexe, à baisser la tête et à continuer à assurer sur tous les autres fronts. Cependant, ce n’est pas parce que l’acte a eu lieu qu’il est trop tard. Dans l’immédiat, c’est à la suite qu’il faut penser, en essayant de se prémunir contre de futures violences.

Saisir des occasions pour revenir sur l’agression

« Un soir, après 13 ans de vie commune, je suis réveillée car il était en train de se masturber avec ma main, raconte Agathe. Choquée, j’ai feint de lui tourner le dos dans mon sommeil. Je n’ai pas pu lui en parler le lendemain, et lui non plus. Et la nuit suivante, je me suis réveillée car on m’appuyait sur la tête, son sexe effleurait mes lèvres et il m’encourageait à le satisfaire. Une fois de plus, je n’ai pas réagi sur le moment. Le lendemain, alors que je réprimandais notre aîné de 4 ans, il a dit au petit que c’était parce que je ne l’aimais pas et que ce n’était pas normal. C’est là que j’ai dit à mon mari que ce qui n’était pas normal, c’est ce qu’il me faisait dans mon sommeil. » Si Agathe a su saisir l’occasion pour exprimer sa colère, il ne faut pas culpabiliser de ne pas réussir à parler tout de suite.

La situation est en soi extrêmement compliquée à gérer. Cependant, une fois que l’on a su mettre des mots sur son mal-être, tout prétexte est bon à prendre pour ouvrir la discussion sur ce qu’il se passe et qui ne va pas dans l’intimité. Se baser sur des faits précis, que ce soit ce qui s’est produit dans l’intimité ou un fait extérieur, par exemple une scène de film ou une actualité sociétale, aide à enclencher l’engrenage de la conversation. « Il ne s’agit pas de tout déballer d’un coup, mais de réussir à évoquer clairement le sujet une première fois, précise Jean-Claude Kaufmann, c’est une grande victoire en soi et pour la suite, car en faisant ainsi, on s’habitue à la logique de communication et dialogue. »

« La communication dans un couple au sujet de la sexualité est liée à qualité de la communication sur les autres sujets, ajoute Geneviève Parent, sexologue et psychothérapeute, auteure de Questions sexuelles pour couples actuels (Éditions de l’Homme, 2011). Un couple qui peut parler de tout, s’exprimer librement pour dire ‘aujourd’hui, ça ne va pas’ ou ‘j’ai pas apprécié tel geste ou telle parole’ a plus de chances d’arriver à se parler s’il y a des difficultés au niveau sexuel. Si on est dans un couple où on ne fait jamais de reproche, où on ne dit pas comment on va, on ne pourra pas parler des difficultés dans la relation sexuelle. »

Faire intervenir un tiers : la thérapie

Lorsqu’il est difficile d’avancer seuls en face à face, le couple peut se tourner vers un thérapeute pour mettre des mots sur la situation et chercher une issue positive. « Il m’arrive de recevoir des couples dont l’homme est dévasté car il vient d’apprendre que sa femme n’a aucun désir depuis longtemps, note Geneviève Parent. Dans ce cas, on peut entreprendre une thérapie de couple, car les deux sont demandeurs de solutions, ils ont envie d’essayer de se retrouver. »

La thérapie individuelle sera plus pertinente s’il y a un vrai décalage dans le vécu de la relation, notamment si la femme a clairement exprimé son non-consentement et que l’homme ne l’a pas reconnu. Dans ce cas, l’inégalité est trop forte entre les conjoints, il y a une victime et un agresseur, la première aura du mal à s’exprimer devant le second.

« Quelle que soit la situation, on ne sait pas à l’avance si la thérapie va fonctionner, prévient Geneviève Parent. A la fin, ce sont eux qui prendront la décision. On va les aider à faire le point sur leurs besoins, les chemins de chacun, mais si le temps a usé la relation, qu’il y a eu trop de relations non consenties, les blessures peuvent être trop profondes pour que le couple tienne. »

David SCHMIDT

Suite :

Dossier : Violences sexuelles au sein du couple 2/2

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

Articles similaires

Donnez-nous votre avis sur cette article !

Bouton retour en haut de la page