France

La France poursuit Google en justice

La France se dirige vers la Cour européenne de justice pour savoir si elle peut obliger des entreprises telles que Google à retirer des résultats de recherche de la liste mondiale.

L’autorité française de régulation des données cherche à savoir si le résultat du moteur de recherche puisse être retiré en vertu de la loi sur le « droit d’être oublié » (RTBF) et doit être retiré uniquement en France ou s’il doit être retiré de la liste de tous les domaines de Google.

La RTBF a été créée en 2014 lorsqu’un homme appelé Mario Costeja s’est plaint que la recherche de son nom sur Google renvoyait des informations périmées sur une dette non réglée et ne révélait pas que sa dette était réglée.

Il a gagné son procès, et maintenant la RTBF permet aux gens ordinaires d’exiger que Google modifie ses résultats de recherche et supprime les liens vers des informations « inadéquates, non pertinentes ou […] excessives ». Bien que les données elle-même reste en ligne, elle ne peut pas être trouvé par des recherches utilisant le nom de l’individu.

Aujourd’hui, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) cherche à étendre ce pouvoir pour lui permettre de supprimer des liens non seulement de google.fr mais de tous les domaines de Google.

Google et un groupe de huit organisations internationales de défense de la liberté d’expression avertissent qu’une telle extension pourrait encourager des États autoritaires tels que la Chine, la Russie et l’Arabie saoudite à tenter de la même manière de contrôler l’internet mondial.

L’homme, qui n’a été nommé « NT2 » au tribunal, voulait qu’un crime passé qu’il avait commis ne figure pas dans les résultats des recherches

Les organisations de médias ont également déposé une déclaration concernant la longue bataille entre la CNIL et Google, arguant que l’application mondiale de la RTBF est « incompatible avec les droits et libertés fondamentaux et le droit international ».

Thomas Hughes, le directeur exécutif de l’organisation de défense de la liberté d’expression Article 19, a déclaré :
« Cette affaire pourrait voir le droit d’être oublié, menacer la liberté d’expression mondiale ».

M. Hughes, qui dirige une intervention dans cette affaire, a ajouté :

« Les régulateurs européens de données ne devraient pas être autorisés à décider de ce que les internautes du monde entier trouvent lorsqu’ils utilisent un moteur de recherche.

La CJCE doit limiter la portée du droit à l’oubli afin de protéger le droit des internautes du monde entier à accéder à l’information en ligne.

Si les régulateurs européens peuvent dire à Google de supprimer toutes les références à un site web, alors ce ne sera qu’une question de temps avant que des pays comme la Chine, la Russie et l’Arabie saoudite ne commencent à faire de même.

La CJE doit protéger la liberté d’expression, et non créer un précédent mondial en matière de censure.

Google n’a pas répondu immédiatement à la demande de commentaires de Sky. L’audition aura lieu à Luxembourg le 11 septembre. Un jugement était attendu au début de l’année 2019.

2020 – Comment l’Union européenne a capitulé à moitié devant Google

La CNIL remporte une victoire

En clair: la haute juridiction française reproche au géant numérique américain d’être trop flou dans ses explications relatives à l’emploi des données et peu transparent sur le devenir de celles-ci, tout en forçant la main de l’utilisateur pour valider tout en bloc.

En conséquence de quoi, les magistrats ont énoncé un verdict implacable, qui sous le phrasé policé de l’administration, n’en laisse pas moins paraître une très forte détermination:

«Il résulte de ce qui précède à égard à la gravité particulière des manquements commis, qui tient à la nature des exigences méconnues et à leurs effets sur les utilisateurs, au caractère continu de ces manquements et à la durée de la période durant laquelle ils ont perduré, aux plafonds prévus par le 4 de l’article 83 du RGPD, et à la situation financière de la société, la sanction pécuniaire de 50.000.000 euros prononcée à l’encontre de la société Google ne revêt pas un caractère disproportionné.»

50 millions d’euros peuvent en effet être une somme considérée comme délirante par le citoyen lambda, mais rappelons utilement qu’Alphabet (le groupe dont dépend Google), c’est 161 milliards de dollars de revenus pour 2018 (année fiscale sur laquelle se base la CNIL pour le prononcé de sa décision).

Il n’empêche que cette somme est, à ce jour de publication, la plus élevée en Europe à l’encontre d’un acteur du numérique pour manquement aux règles de protection sur les données. Du reste, la CNIL a souhaité frapper fort dès le départ afin d’envoyer un signal clair à toutes les autres structures faisant négoce du marché de la donnée. Incidemment, le Conseil d’État a joué la souplesse pour laisser à la CNIL sa capacité de sanction en lieu et place de son homologue irlandaise, la Data Protection Commission d’Irlande où est située la filiale européenne de Google. Elle a ainsi tranché sur la délicate problématique de l’autorité du chef de file pour les traitements informatisés transfrontaliers.

Reste que la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) est bien plus timorée pour condamner et faire strictement respecter le droit européen, ainsi que l’atteste sa double décision de septembre 2019 se refusant à faire appliquer le droit à l’oubli hors des territoires des États membres. Or, il est fortement probable que Google fasse appel de la décision auprès de cette instance supranationale afin d’infléchir ou d’effacer pareil camouflet. Car derrière cette décision, c’est bel et bien la toute-puissance des géants du numérique qui se profile visant à déposséder les États d’une manne dont, cécité coupable lors de la démocratisation d’Internet, ils n’ont pas perçu toute la quintessence stratégique: les données.

David SCHMIDT

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

Articles similaires

Donnez-nous votre avis sur cette article !

Bouton retour en haut de la page