France

Une loi permettant la restitution de biens culturels spoliés par les nazis

Le parlement français a adopté un projet de loi

Le parlement français a adopté définitivement un projet de loi permettant la restitution de biens culturels spoliés lors des persécutions antisémites de la Seconde guerre mondiale.

“Je suis fière de ce que nous avons collectivement accompli. La France s’honore de ce vote”, s’est réjouie la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot dans un tweet, suite au vote du parlement mardi.

C’est “la première fois depuis l’après-guerre que le gouvernement engage un texte permettant la restitution d’oeuvres des collections publiques” spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale ou acquises dans des conditions troubles pendant l’Occupation, en raison des persécutions antisémites, a déclaré la ministre de la Culture, citée par les médias.

Selon Mme Bachelot, il s’agit d'”une première étape” car “des oeuvres d’art et des livres spoliés sont toujours conservés dans des collections publiques”. “Des objets qui ne devraient pas, qui n’auraient jamais dû y être”, a-t-elle souligné.

Ce texte ouvre la voie notamment à la restitution de quinze oeuvres, dont des tableaux des peintres Gustav Klimt et Marc Chagall, qui vont pouvoir être restituées aux héritiers de familles juives spoliées par les nazis, notent les médias de l’hexagone.

Parmi ses oeuvres figure “Rosiers sous les arbres” de Gustav Klimt, conservé au musée d’Orsay, seule oeuvre du peintre autrichien appartenant aux collections nationales françaises.

Il a été acquis en 1980 par l’État chez un marchand. Des recherches approfondies ont permis d’établir qu’il appartenait à l’Autrichienne Eléonore Stiasny qui l’a cédé lors d’une vente forcée à Vienne en 1938, lors de l’Anschluss, avant d’être déportée et assassinée.

“Rosiers sous les arbres est le témoin de ces vies qu’une volonté criminelle a obstinément cherché à faire disparaître. La restitution à venir est une reconnaissance des crimes subis par les familles Zuckerkandl et Stiasny, et le juste retour d’un bien qui leur appartient #klimt”, avait tweeté la ministre de la culture en mars 2021.

Onze dessins et une cire conservés au Musée du Louvre, au Musée d’Orsay et au Musée du Château de Compiègne, ainsi qu’un tableau d’Utrillo conservé au Musée Utrillo-Valadon (“Carrefour à Sannois”), font également partie des restitutions prévues, selon la presse.

Pour 13 des 15 oeuvres, les ayants-droit ont été identifiés par la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), créée en 1999.

Quelque 100.000 oeuvres d’art auraient été saisies en France durant la guerre de 1939-1945, selon le ministère de la Culture. 60.000 biens ont été retrouvés en Allemagne à la Libération et renvoyés en France. Parmi eux, 45.000 ont été rapidement restitués à leurs propriétaires.

Environ 2200 ont été sélectionnés et confiés à la garde des musées nationaux (oeuvres “MNR” pouvant être restituées par simple décision administrative) et le reste (environ 13.000 objets) a été vendu par l’administration des Domaines au début des années 1950. De nombreuses oeuvres spoliées sont ainsi retournées sur le marché de l’art.

Quand le malheur des juifs faisait la richesse des marchands d’art

Au Mémorial de la Shoah, une exposition montre que des commissaires-priseurs, antiquaires, conservateurs ont profité des spoliations.

L’historienne d’art Emmanuelle Polack, auteure d’une thèse et d’un livre intitulé Le Marché de l’art sous l’Occupation (Tallandier, 304 pages, 21,50 euros) et commissaire d’une exposition sur le même thème au Mémorial de la Shoah, démontre, en quelques tableaux – dont certains encore conservés par les musées de France – et une quantité de documents, qu’il faut hélas ajouter aux canailles précédentes quelques autres corps de métier.

Ainsi des commissaires-priseurs de Drouot (dont l’entrée était interdite aux juifs, mais pas aux œuvres qu’on leur avait volées), lesquels furent les complices intéressés d’une spoliation sans précédents. Aux trois « D » (décès, dette, divorce) qui traditionnellement sont à l’origine de la plupart des ventes aux enchères, il fallait en ajouter un quatrième : « D » pour « déportation ». Un marchand nommé Jean-François Lefranc avait même trouvé ce moyen pour s’enrichir. Afin d’obtenir des tableaux à moindres frais, il en dénonçait les propriétaires. L’un d’eux, le marchand René Gimpel, mourut au camp de concentration de Neuengamme, dans la région d’Hambourg.

N’oublions pas certains experts, qui n’hésitaient pas à sous-estimer les tableaux pour pouvoir les racheter eux-mêmes à bas prix. Ni les antiquaires, réunis en association dont le président nommait les administrateurs des galeries d’art confisquées aux juifs, à charge pour eux d’en liquider le stock, sur lequel ils touchaient 10 %. Les journalistes aussi, eh oui, qui mêlaient dans une même détestation les juifs et l’art moderne que ces derniers avaient soutenu.

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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