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Quel est encore la relation entre la France et le Mali ?

Effet d’annonce ou menace réaliste ?

Après un deuxième putsch militaire en neuf mois au Mali, le Président Emmanuel Macron a réitéré dimanche 30 mai son souhait de retirer la force Barkhane, si le pays sahélien allait «dans le sens» d’un islamisme radical. 

Ce qui pourrait être, ou non, la fin du dilemme malien de Paris ?

L’heure du départ des troupes françaises du Mali a-t-elle sonné? Certes, ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron évoque ouvertement un retrait des militaires français de l’opération Barkhane du Mali, puisqu’il l’avait déjà formulé le 19 janvier dernier, lors de ses vœux aux armées à Brest. Toutefois, jamais il n’a semblé aussi disposé à mettre ses menaces à exécution.

Dans un entretien publié dimanche 30 mai par le Journal du dimanche (JDD), le Président français a réaffirmé de manière encore plus tranchée que la France «n’a pas vocation à rester éternellement» au Mali où sont actuellement déployés plus de 5.100 de ses soldats pour éradiquer les groupes djihadistes au Sahel.

Mesdames, Messieurs,
Monsieur le Premier Ministre, cher ami,

Je suis très heureux d’être reçu ici, aujourd’hui, à Bamako, par les nouvelles autorités maliennes, dans un instant, le président de la transition, M. N’Daw, le vice-président Goïta ; et puis, je viens d’avoir un long entretien avec Moctar Ouane, un entretien de confiance et entretien très utile, et je salue aussi mon homologue Zeïni Moulaye à qui je souhaite un bon parcours dans ses nouvelles fonctions.

Je voudrais vous remercier, Monsieur le Premier Ministre, de votre accueil et de l’esprit de confiance qui a dominé cet entretien.

Au plan politique, cette visite me permet de constater les avancées dans le processus de transition au Mali, que je salue. J’adresse à ce titre mes meilleurs voeux de succès aux nouvelles autorités, qui auront à conduire, dans les dix-huit mois, une transition devant aboutir, non seulement à la tenue d’élections libres et au rétablissement de l’ordre constitutionnel, mais devant aboutir aussi au lancement d’ambitieuses réformes annoncées dans la Charte de la transition et attendues de longue date par le peuple malien. C’est la condition pour établir un nouveau contrat social et sortir de la crise de confiance et de gouvernance que traverse le pays, – vous m’avez parlé tout à l’heure, cher ami, du nouveau Mali qui peut sortir de cette période.

Dans ce contexte, les prises de position du président N’Daw, qui ont été envoyées aux partenaires internationaux sont tout à fait essentielles. Mais, bien entendu, ce sont d’abord et avant tout les Maliens qui détiennent la solution de la crise malienne. Mais cela ne veut pas dire que le Mali sera seul face à ce défi. La France, avec l’Union européenne et les autres partenaires internationaux, est disposée à y apporter son plein soutien dans le cadre d’une coopération renforcée et rénovée.

Et à ce titre, les efforts du nouveau gouvernement pour réviser le cadre électoral et préparer des élections crédibles, renforcer la gouvernance, lutter contre l’impunité, mettre en oeuvre l’accord pour la paix et la réconciliation, faire face à la menace terroriste, tout cela reste décisif.

Je suis également venu au Mali pour réaffirmer la solidarité de la France avec le peuple et les autorités du Mali alors que le pays traverse, une fois encore, une période délicate. Cette solidarité de la France, elle s’exprime bien sûr dans le domaine du développement et du redressement économique du pays, et je me réjouis de la signature des conventions importantes qui vient d’avoir lieu, il y a un instant. C’est un geste concret qui illustre dans des domaines différents la solidité des liens entre nos deux pays.

Je voudrais dire aussi au Premier ministre que la France, par ailleurs, est prête à accorder, en-dehors de ces conventions, une aide budgétaire nouvelle de plus de dix millions d’euros au Mali d’ici la fin de l’année dans l’objectif de soutenir l’économie du pays et d’aider aux réformes.

C’est au total un effort de solidarité de la France de cent cinquante millions d’euros en faveur d’actions de développement du Mali. C’est tout à fait essentiel parce que c’est un des quatre piliers de la dynamique qui a été insufflée après les sommets de Pau et de Nouakchott. Et c’est aussi un des quatre piliers de la coalition pour le Sahel, à savoir la lutte contre le terrorisme, la formation et l’accompagnement des forces de défense et de sécurité, l’appui au retour des services publics et le développement.

Et, donc, nous considérons que, dans ce cadre, la mise en oeuvre de l’accord de paix est tout à fait essentielle. Cela reste une priorité, à la fois pour la France, mais aussi pour la communauté internationale et aussi pour les Nations unies. Et nous nous réjouissons que vous soyez toujours inscrits dans cette dynamique positive, en souhaitant que le comité de suivi de l’accord puisse se réunir rapidement, parce que nous considérons que le suivi de l’accord est tout à fait essentiel pour apaiser la situation et retrouver, Monsieur le Premier Ministre, le nouveau Mali que vous avez évoqué à plusieurs reprises.

Une nouvelle fois, merci de votre accueil et je suis à nouveau très heureux d’être ici, au Mali.

Q – Bonjour, Monsieur le Ministre, j’ai une question d’actualité : le secrétaire général de l’ONU, M. Guterres, a récemment évoqué dans les médias la possibilité de renouer le dialogue avec certains groupes djihadistes au Sahel (inaudible) ici au Mali lors du dialogue national inclusif il y a dix mois, beaucoup avaient dit que c’était une partie de la solution. Au regard de beaucoup de Maliens, la France aujourd’hui semble être une des dernières à être intransigeante pour dialoguer avec des groupes, est-ce appelé à évoluer ?

R – Non. Ecoutez Monsieur, disons les choses très clairement, il y a des accords de paix qui viennent d’être évoqués par le Premier ministre, il faut mettre en oeuvre les accords de paix, et ce sont les accords de paix qui font la paix. Ces accords de paix ont été validés par un certain nombre de signataires, dont des groupes armés signataires ; et dans les accords de paix, il y a un élément tout à fait essentiel qui est l’armée reconstituée, le Premier ministre vient d’y faire référence, et c’est l’urgence du moment.

Et puis, il y a des groupes terroristes qui n’ont pas signé les accords de paix. Les choses sont simples, et la France n’est pas toute seule dans cette affaire, contrairement à ce que vous avez dit, puisque cette position, c’est la position des pays du G5-Sahel, c’est la position de la communauté internationale, c’est la position du Conseil de sécurité. Et c’est bien parce qu’il faut faire respecter les accords de paix que le Conseil de sécurité a donné mandat, une nouvelle fois, à la MINUSMA pour les faire respecter avec les signataires. Les choses sont simples.

Et donc, je me réjouis de constater cette volonté partagée dans les propos qu’a tenus le Premier ministre et les échanges que nous avons eus ce matin. J’ai bien lu, comme vous, la déclaration du secrétaire général des Nations unies, mais je l’ai lue entièrement. Si cela ne vous ennuie pas que je vous la lise : “Il faut une vision globale sur le Sahel. Il y aura des groupes avec lesquels on pourra parler et qui auront intérêt à s’engager dans ce dialogue pour devenir des acteurs politiques dans le futur, mais il reste ceux dont le radicalisme terroriste est tel qu’il n’y a rien à faire avec eux.”. Cela, c’est le secrétaire général des Nations unies dans la même déclaration. Je vous remercie.

Q – (inaudible)

(…)

R – Je voudrais dire au Premier ministre, ce que j’ai déjà fait il y a un instant, mais aussi devant vous, j’ai été très heureux, hier, de pouvoir engager des discussions avec des représentants des mouvements du Nord, dans une démarche à la fois transparente et volontariste commune.

Et, deuxièmement, vous évoquiez les réformes et j’ai pu apporter, avec beaucoup de clarté, le soutien de la France aux réformes indiquées dans la Charte de transition et à l’égard aussi de la feuille de route dont les autorités maliennes ont décidé de se doter. Ce qui inclut un processus électoral, la lutte contre la corruption, la lutte contre l’impunité et les réformes indispensables qui vont avec. Je partage complètement cette détermination commune.

Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 octobre 2020

À moins d’un an de l’élection présidentielle en France dont le premier tour est prévu en avril 2022, «le retrait de Barkhane pourrait être lourd de conséquences et aurait sûrement un coup politique très élevé», explique le politologue malien.

«Même si la menace terroriste est réelle dans le Sahel, depuis neuf ans, aucun attentat perpétré en France n’a été revendiqué par un des groupes armés du Mali. La France est intervenue au Mali pour des raisons principalement géostratégiques liées à cette volonté d’européaniser la lutte antiterroriste au Sahel, en plus des intérêts économiques et le fait qu’elle compte nombre de ressortissants au Sahel. Et c’est exactement pour ces mêmes raisons que Paris ne se désengagera pas de sitôt du Mali», poursuit-il.

En attendant, l’indécision de l’Élysée donne du grain à moudre aux accusations d’incohérence contre Paris qui, d’un côté, soutient le fils d’Idriss Déby à la tête du Tchad et, de l’autre, formule des exigences démocratiques pour le Mali. «Une politique de deux poids, deux mesures qui sape sa crédibilité aux yeux de l’opinion publique surtout malienne en ravivant des souvenirs d’une Françafrique que l’on disait pourtant révolue», relève Séga Diarrah.

«Les Maliens livrés à eux-mêmes»

Le Mali fait néanmoins face à la réprobation de ses voisins, avec à la clé, deux premières sanctions, celle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) puis celle de l’Union africaine (UA). La première a suspendu Bamako de ses instances, dimanche dernier, suite à une réunion à Accra, la capitale du Ghana, la deuxième a annoncé à son tour mardi 1er juin sa décision de suspendre le pays sahélien de sa participation à toutes les activités de l’organisation continentale. Mais ces approches ont été jugées par nombre d’observateurs minimalistes et «sans réelle portée».

David SCHMIDT

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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