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Polansky, c’est pas fini !

Samantha Geimer devant un tribunal de Los Angeles, le 9 juin 2017Violée par le réalisateur à l’âge de 13 ans, elle répond sur Slate à Peggy Sastre, co-autrice de la tribune sur “la liberté d’importuner”, signée par Catherine Deneuve.

L’affaire Polanski n’a pas fini de faire parler d’elle. A quelques heures de la 45e cérémonie des César où le réalisateur – nommé 12 fois pour son film “J’Accuse” – a décidé de ne pas se rendre en vue de l’accueil peu chaleureux que lui réservent les associations féministes, Samantha Geimer veut “remettre les pendules à l’heure”. Dans un entretien accordé sur Slate à Peggy Sastre, co-autrice de la tribune sur “la liberté d’importuner”, signée par Catherine Deneuve, la victime de Roman Polanski martèle qu’elle veut tourner la page. Elle se dit en total désaccord avec Adèle Haenel selon qui, “distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes”. “Demander à toutes les femmes de supporter le poids de leur agression, mais aussi de l’indignation de tout le monde pour l’éternité, c’est cracher au visage de toutes celles qui se sont rétablies et qui sont passées à autre chose”, réplique-t-elle.

“Lorsque vous refusez qu’une victime pardonne et tourne la page pour satisfaire un besoin égoïste de haine et de punition, vous ne faites que la blesser plus profondément. Une victime a le droit de laisser le passé derrière elle, et un agresseur a aussi le droit de se réhabiliter et de se racheter, surtout quand il a admis ses torts et s’est excusé”, complète-t-elle.
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Samantha Geimer a été violée en 1977 alors qu’elle n’était âgée que de 13 ans par Roman Polanski. Mais le réalisateur s’est accordé à l’amiable avec le juge américain. Il a alors été poursuivi pour détournement de mineur, évitant des chefs d’accusations comme le viol d’une mineure sous l’emprise de stupéfiants. Il a été condamné à 90 jours de prison mais n’en a fait que 42. Le juge avait alors estimé la sentence insuffisante. Trop tard. Le cinéaste s’était envolé pour la France. Aujourd’hui, Roman Polanski est toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international.

Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, Harvey Weinstein se bat devant les tribunaux pour obtenir une condamnation pour plus de trois décennies d’abus et de harcèlement sexuels systématiques, de l’autre côté, Roman Polanski reste sous le manteau de la protection de l’industrie cinématographique française.
Après l’annonce des nominations aux César il y a quelques jours, la communauté féministe française est descendue dans la rue pour manifester contre le protectionnisme et la survie médiatique du réalisateur Roman Polanski, qui depuis 1978 se soustrait à la justice américaine après avoir été reconnu coupable d’avoir drogué et abusé sexuellement d’une jeune fille de 13 ans.

Le réalisateur polonais s’est fait un nom aux États-Unis en réalisant des films tels que Knife in the Water (1961) et Repulsion (1965), et sa carrière a pris son envol avec le film d’horreur Rosemary’s Baby (1968). Après le meurtre de sa femme enceinte et de quatre amis dans son manoir en 1969 par la famille Manson, Polanski s’installe en Europe et continue à récolter des succès tels que Macbeth (1971) et Chinatown (1974).
Cependant, en mars 1977, Polanski est arrêté à Los Angeles pour cinq chefs d’accusation pour avoir drogué et abusé de Samantha Gailey, 13 ans, l’un des mannequins engagés par Vogue Hommes pour une édition spéciale. Au cours de la deuxième séance de photos chez Jack Nicholson, Gailey a affirmé que Polanski lui avait donné un Quaalude et qu’elle avait abusé d’elle dans le jacuzzi.

Depuis 1977, douze femmes ont accusé le réalisateur de viols et d’agressions sexuelles. Parmi elles, cinq l’ont fait publiquement. Samantha Geimer, Charlotte Lewis, “Robin”, Renate Langer et Valentine Monnier. Elles avaient entre 13 et 18 ans.

Le réalisateur a plaidé coupable après un accord qui aurait rejeté la plupart des accusations, ne laissant que l’accusation mineure de relations sexuelles illicites et sous réserve d’un examen psychiatrique ordonné par le tribunal.
En apprenant que le juge n’accepterait pas sa demande de libération conditionnelle et qu’il serait condamné et expulsé, Polanski s’est enfui en France en février 1978, quelques heures seulement avant que sa condamnation ne soit rendue publique, a rappelé le Daily Mail.

Après avoir tranquillement reconstruit sa vie, le réalisateur a été arrêté par la police suisse à l’aéroport de Zurich le 26 septembre 2009 alors qu’il tentait de se rendre au Festival du film de Zurich pour y recevoir le Prix de l’œuvre de toute une vie. Après des négociations entre le Département fédéral suisse de la justice et le Département américain de la justice, le tribunal a rejeté la demande d’extradition et a libéré Polanski en détention.
Au cours de la dernière décennie, le réalisateur a continué à connaître le succès sous la tutelle de l’establishment européen, avec des films tels que The Ghost Writer (2010), Carnage (2011), Venus in Fur (2013), Based on a True Story (2017), et An Officer and a Spy (2019) qui lui a valu une standing ovation et le Grand Prix du Jury au Festival du Film de Venise.

Cependant, le mouvement féministe en France ne laissera pas Polanski s’en tirer à bon compte.
Une vague de protestations nationales l’a obligé à annuler des interviews et des promotions et, selon thelocal.fr. “Le “soutien inconditionnel” dont la réalisatrice a bénéficié de la part de l’establishment cinématographique français semble s’effriter”, surtout après qu’une photographe française ait rompu son silence et l’ait accusé de viol en 1975, alors qu’elle avait 18 ans.
“Valentine Monnier a affirmé que Polanski avait tenté de lui faire avaler une pilule lorsqu’il s’est jeté sur elle après qu’ils soient allés skier à Gstaad”, ont rapporté les médias. “‘J’ai cru que j’allais mourir’, a-t-elle déclaré dans une lettre ouverte publiée par le journal Le Parisien.”
Cela n’a toutefois pas empêché An Officer and a Spy de recevoir une douzaine de nominations pour les César Awards, qui se tiendront le 28 février prochain.
La réponse du mouvement féministe a été encore plus forte.

L’organisation Osez le Féminisme ! (Osez le féminisme !) publie une lettre ouverte signée par plusieurs personnalités et associations qui appellent au boycott de Polanski, ainsi qu’à une manifestation devant la salle Pleyel le 28 février pour manifester leur refus.

“Avec ces 12 nominations, le monde du cinéma a apporté son soutien franc et inconditionnel à un violeur en fuite, qui a reconnu avoir drogué et violé un enfant de 13 ans et avoir fui la justice américaine”, ont déclaré les signataires. “Deux ans après #METOO, alors qu’aux Etats-Unis Harvey Weinstein risque la prison à vie, en France nous acclamons et célébrons un violeur d’enfant en fuite”.

David SCHMIDT

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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