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Les États-Unis libèrent des djihadistes de Daech enfermés en Syrie

Washington aurait aidé d’anciens détenus djihadistes à sortir de Syrie.

En Syrie, les États-Unis poursuivent leur politique schizophrène avec les factions djihadistes.

Quelques jours après avoir annoncé en grande pompe l’élimination d’Abou Ibrahim Al-Hachimi Al-Qourachi, le chef du groupe État islamique, la Défense russe affirme que Washington a favorisé la libération de djihadistes détenus en Syrie. Pire encore, les Américains auraient même facilité leur départ vers les États-Unis, le Canada et l’Europe en les aidant à obtenir de faux papiers.

En effet, le Centre russe pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie indique avoir « été informé du départ du territoire de la République arabe syrienne d’anciens djihadistes de Daech, qui avaient été auparavant incarcérés dans les prisons contrôlées par l’administration kurde dans le gouvernorat d’Hassaké. En utilisant de faux papiers, ces personnes partent à destination des États-Unis, du Canada et des pays de l’Union européenne ».

« Négociations et arrangements »

Pourquoi Washington aurait-il fait ce choix qui pourrait se révéler préjudiciable à ses intérêts et à ceux de ses alliés? Pour le géopolitologue Pascal Le Pautremat, interrogé par Sputnik, il n’y a que deux explications possibles:
« Soit ils estiment sincèrement que ces djihadistes sont devenus inoffensifs, ce qui est un pari plus que risqué. Soit cette démarche s’inscrit dans des jeux de négociations avec les groupes auxquels ces détenus appartenaient ou appartiennent. »

« Qu’il y ait des négociations et des arrangements avec certains groupes djihadistes, c’est de notoriété publique. Après, la teneur de ces potentielles négociations relève des services secrets, mais ce sont les deux options plausibles selon moi », poursuit le chercheur.

En effet, durant la guerre contre l’État islamique*, des pourparlers entre les États-Unis, leurs alliés et des factions terroristes ont eu lieu à plusieurs reprises. Notamment lors des retraits de l’État islamique* de villes comme Baghouz et Raqqa. « Si c’est vérifié, cela ne m’étonnerait pas », explique pour sa part l’historien Roland Lombardi, auteur de Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire?

« Avec l’arrivée d’une administration démocrate à Washington, on revient vers la politique ambiguë que les Démocrates, et même certains Républicains, ont toujours eue vis-à-vis de groupes islamistes plus que douteux. »

Aussi bien Roland Lombardi que Pascal Le Pautremat rappellent la porosité historique entre groupes djihadistes sunnites et Washington. « Il suffit de voir comment les États-Unis travaillaient avec les djihadistes en Afghanistan pour chasser les Soviétiques même si, depuis, les lignes ont bougé et la complicité a été rompue », constate le second.

L’ennemi de mon ennemi est mon ami

Lombardi remonte encore plus loin dans l’Histoire pour mettre en lumière la proximité circonstancielle entre Washington et l’islam politique. « Washington a soutenu les Frères musulmans face au nationaliste panarabe Nasser dans les années 1950. » Or, estime-t-il, « les Frères musulmans*, c’est Daech avec un bulletin de vote à la place du sabre ».

Depuis, Washington n’a cessé de souffler le chaud et le froid avec les groupes djihadistes et islamistes, en les soutenant ou en les combattant au gré de leurs intérêts. Bien que les États-Unis aient lutté contre l’État islamique*, celui-ci lui a été un allié objectif:

« On sait combien, au début, l’État islamique* en Syrie et en Irak a été utile aux États-Unis pour contrer l’influence iranienne ou les forces de Bachar El-Assad. Même si, encore une fois, Washington les a combattus par la suite. C’est une politique pragmatique, rien de plus: la fin justifie les moyens », constate Pascal le Pautremat.

En Syrie particulièrement, la CIA a soutenu toute une série de milices laïques et islamistes pour combattre Assad.

Notamment par le biais du programme secret Timber Sycamore, du nom de l’opération clandestine visant à appuyer les factions rebelles de la guerre en Syrie. De son côté, le Pentagone formait à partir de 2014 des combattants « modérés » pour lutter contre Daech à travers le projet « Train and Equip ».

Approuvé par le Congrès, celui-ci a été chiffré à 500 millions de dollars. Par la suite, nombre de ces hommes armés, formés et financés par Washington ont combattu avec ou pour des djihadistes.

Dans son livre La Guerre de l’Ombre en Syrie, (Éd. Erick Bonnier, 2019), Martin Chaix rappelle l’incontestable porosité entre les groupes soutenus par les États-Unis et d’autres factions djihadistes.

« Certains experts farouchement anti-Assad tels que Charles Lister et Jean-Marc Lafon, ou plus neutres comme Sam Heller et Genviève Casagrande, ont ainsi confirmé le rôle central des djihadistes du Front al-Nosra dans les opérations de l’Armée syrienne libre, et ce dès les premiers stades du conflit », écrit-il.

Selon l’organisme gouvernemental turc SETA, sur les 41 factions armées qui composent l’Armée nationale syrienne désormais soutenue par la Turquie et qui mêlent djihadistes et rebelles modérés, 28 ont été formées par Washington avant que l’administration Trump ne coupe l’aide aux rebelles syriens en 2017.

Le plus regrettable, estiment nos interlocuteurs, reste que ces Frankenstein du djihad, une fois libérés, menacent l’ensemble du monde occidental. En particulier l’Europ

Rapport sur les échanges de prisonniers.

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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