David SCHMIDTForbach (57)France

Droit des Journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information

RECOMMANDATION N° R (2000) 7

DU COMITÉ DES MINISTRES AUX ÉTATS MEMBRES
SUR LE DROIT DES JOURNALISTES DE NE PAS RÉVÉLER
LEURS SOURCES D’INFORMATION

(adoptée par le Comité des Ministres le 8 mars 2000, lors de la 701e réunion du Comité des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.du Statut du Conseil de l’Europe,

Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun;

Rappelant l’engagement des Etats membres à respecter le droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est garanti par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales;

Réaffirmant que le droit à la liberté d’expression et d’information constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et l’une des conditions primordiales de son progrès et du développement de tout individu, comme le proclame la Déclaration de 1982 sur la liberté d’expression et d’information;

Réaffirmant la nécessité pour les sociétés démocratiques de mettre en œuvre des moyens appropriés pour promouvoir le développement de media libres, indépendants et pluralistes;

Reconnaissant que l’exercice libre et sans entrave du journalisme est consacré par le droit à la liberté d’expression et constitue un préalable fondamental au droit du public d’être informé des questions d’intérêt général;

Convaincu que la protection des sources d’information des journalistes constitue une condition essentielle pour que les journalistes puissent travailler librement ainsi que pour la liberté des media;

Rappelant que nombre de journalistes ont prévu dans des codes de conduite professionnels l’obligation de ne pas révéler leurs sources d’information dans le cas où ils ont reçu cette information à titre confidentiel;

Rappelant qu’une protection des journalistes et de leurs sources a été instaurée dans les systèmes juridiques de certains Etats membres;

Rappelant également que l’exercice par les journalistes de leur droit de ne pas révéler leurs sources d’information comporte des devoirs et des responsabilités, comme indiqué à l’article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales;

Prenant acte de la Résolution de 1994 du Parlement européen sur le secret des sources d’information des journalistes et le droit des fonctionnaires à divulguer les informations dont ils disposent;

Prenant acte de la Résolution n° 2 sur les libertés journalistiques et les droits de l’homme de la 4e Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse tenue à Prague en décembre 1994, et rappelant la Recommandation n° R (96) 4 sur la protection des journalistes en situation de conflit et de tension,

Recommande aux gouvernements des États membres:

1. de mettre en œuvre dans leur droit et leur pratique internes les principes annexés à la présente recommandation,

2. de diffuser largement cette recommandation et les principes qui lui sont annexés, en les assortissant le cas échéant d’une traduction, et

3. de porter en particulier ces textes à l’attention des pouvoirs publics, des autorités de police et du pouvoir judiciaire, ainsi que de les mettre à la disposition des journalistes, des media et de leurs organisations professionnelles.

Annexe à la Recommandation n° R (2000) 7
Principes concernant le droit des journalistes de ne pas révéler
leurs sources d’information

Définitions

Aux fins de la présente Recommandation:

a. le terme “journaliste” désigne toute personne physique ou morale pratiquant à titre régulier ou professionnel la collecte et la diffusion d’informations au public par l’intermédiaire de tout moyen de communication de masse;

b. le terme “information” désigne tout exposé de fait, opinion ou idée, sous forme de texte, de son et/ou d’image;

c. le terme “source” désigne toute personne qui fournit des informations à un journaliste;

d. le terme “information identifiant une source” désigne, dans la mesure où cela risque de conduire à identifier une source:

e. le nom et les données personnelles ainsi que la voix et l’image d’une source,

f. les circonstances concrètes de l’obtention d’informations par un journaliste auprès d’une source,

g la partie non publiée de l’information fournie par une source à un journaliste, et

h. les données personnelles des journalistes et de leurs employeurs liées à leur activité professionnelle.

Principe 1 (Droit de non-divulgation des journalistes)

Le droit et la pratique internes des Etats membres devraient prévoir une protection explicite et claire du droit des journalistes de ne pas divulguer les informations identifiant une source, conformément à l’article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée: la Convention) et aux présents principes, qui doivent être considérés comme des normes minimales pour le respect de ce droit.

Principe 2 (Droit de non-divulgation d’autres personnes)

Les autres personnes qui, à travers leurs relations professionnelles avec les journalistes, prennent connaissance d’informations identifiant une source à travers la collecte, le traitement éditorial ou la publication de cette information, devraient bénéficier de la même protection en application des présents principes.

Principe 3 (Limites au droit de non-divulgation)

a. Le droit des journalistes de ne pas divulguer les informations identifiant une source ne doit faire l’objet d’autres restrictions que celles mentionnées à l’article 10, paragraphe 2 de la Convention. En déterminant si un intérêt légitime à la divulgation entrant dans le champ de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention l’emporte sur l’intérêt public à ne pas divulguer les informations identifiant une source, les autorités compétentes des Etats membres porteront une attention particulière à l’importance du droit de non-divulgation et à la prééminence qui lui est donnée dans la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, et ne peuvent ordonner la divulgation que si, sous réserve des dispositions du paragraphe b, existe un impératif prépondérant d’intérêt public et si les circonstances présentent un caractère suffisamment vital et grave.

b. La divulgation des informations identifiant une source ne devrait être jugée nécessaire que s’il peut être établi de manière convaincante:

c. que des mesures raisonnables alternatives à la divulgation n’existent pas ou ont été épuisées par les personnes ou les autorités publiques qui cherchent à obtenir la divulgation, et

d. que l’intérêt légitime à la divulgation l’emporte clairement sur l’intérêt public à la non-divulgation, en conservant à l’esprit que :

– un impératif prépondérant quant à la nécessité de la divulgation est prouvé ;

– les circonstances présentent un caractère suffisamment vital et grave ;

– la nécessité de la divulgation est considérée comme répondant à un besoin social impérieux, et

– les Etats membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de cette nécessité, mais cette marge est sujette au contrôle de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

e. Les exigences précitées devraient s’appliquer à tous les stades de toute procédure où le droit à la non-divulgation peut être invoqué.

Principe 4 (Preuves alternatives aux sources des journalistes)

Dans une procédure légale à l’encontre d’un journaliste aux motifs d’une atteinte alléguée à l’honneur ou à la réputation d’une personne, les autorités compétentes devraient, pour établir la véracité de ces allégations, examiner toute preuve à leur disposition en application du droit procédural national et ne devraient pas pouvoir requérir à cette fin la divulgation par un journaliste des informations identifiant une source.

Principe 5 (Conditions concernant la divulgation)

a. La proposition ou demande visant à introduire une action des autorités compétentes en vue d’obtenir la divulgation de l’information identifiant une source ne devrait pouvoir être effectuée que par les personnes ou autorités publiques ayant un intérêt légitime direct à la divulgation.

b. Les journalistes devraient être informés par les autorités compétentes de leur droit de ne pas divulguer les informations identifiant une source, ainsi que des limites de ce droit, avant que la divulgation ne soit demandée.

c. Le prononcé de sanctions à l’encontre des journalistes pour ne pas avoir divulgué les informations identifiant une source devrait seulement être décidé par les autorités judiciaires au terme d’un procès permettant l’audition des journalistes concernés conformément à l’article 6 de la Convention.

d. Les journalistes devraient avoir le droit que le prononcé d’une sanction pour ne pas avoir divulgué leurs informations identifiant une source soit soumis au contrôle d’une autre autorité judiciaire.

e. Lorsque les journalistes répondent à une demande ou à une injonction de divulguer une information identifiant une source, les autorités compétentes devraient envisager de prendre des mesures pour limiter l’étendue de la divulgation, par exemple en excluant le public de la divulgation, dans le respect de l’article 6 de la Convention lorsque cela est pertinent, ainsi qu’en respectant elles-mêmes la confidentialité de cette divulgation.

Principe 6 (Interceptions des communications, surveillance .et perquisitions judiciaires et saisies)

a. Les mesures suivantes ne devraient pas être appliquées si elles visent à contourner le droit des journalistes, en application des présents principes, de ne pas divulguer des informations identifiant leurs sources:

b. les décisions ou mesures d’interception concernant les communications ou la correspondance des journalistes ou de leurs employeurs,

c. les décisions ou mesures de surveillance concernant les journalistes, leurs contacts ou leurs employeurs, ou

d. les décisions ou mesures de perquisition ou de saisie concernant le domicile ou le lieu de travail, les effets personnels ou la correspondance des journalistes ou de leurs employeurs, ou des données personnelles ayant un lien avec leurs activités professionnelles.

e. Lorsque des informations identifiant une source ont été obtenues de manière régulière par la police ou les autorités judiciaires à travers l’une quelconque des actions précitées, même si cela pourrait ne pas avoir été le but de ces actions, des mesures devraient être prises pour empêcher l’utilisation ultérieure de ces informations comme preuve devant les tribunaux, sauf dans le cas où la divulgation serait justifiée en application du Principe 3.

Principe 7 (Protection contre l’auto-accusation)

Les principes posés par le présent texte ne doivent en aucune façon limiter les lois nationales sur la protection contre l’auto-accusation dans les procédures pénales, et les journalistes devraient, dans la mesure où ces lois s’appliquent, jouir de cette protection s’agissant de la divulgation des informations identifiant une source.

* * *

Exposé des Motifs

I. Introduction

1. Lors de la 4e Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse, tenue à Prague en décembre 1994, les Ministres participant à la Conférence sont convenus dans le cadre du Principe 3 (d) de la Résolution n° 2 sur les libertés journalistiques et les droits de l’homme que “la protection de la confidentialité des sources d’information utilisées par les journalistes” était essentielle pour permettre à ces derniers de remplir leur fonction et de contribuer au maintien et au développement d’une démocratie véritable. En conséquence, ils ont invité le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à examiner les législations et pratiques nationales et internationales concernant la confidentialité des sources d’information des journalistes. Sur cette base, le Comité directeur sur les moyens de communication de masse (CDMM) a décidé en 1996 de créer un comité d’experts appelé Groupe de Spécialistes sur le droit des media et les droits de l’homme (MM-S-HR) et de lui confier un mandat portant entre autres sur cette question. Outre des experts gouvernementaux, la Fédération Internationale des Journalistes, le Centre international contre la censure/Article 19 et l’Union européenne de Radio-Télévision ont participé en qualité d’observateurs aux travaux du Groupe qui ont abouti à la présente Recommandation et à son Exposé des Motifs. Le Comité des Ministres a adopté la Recommandation le 8 mars 2000 et a autorisé le Secrétaire Général à publier le présent Exposé des Motifs.

2. Il est à noter que le Parlement européen a également traité cette question dans sa Résolution du 18 janvier 1994 sur le secret des sources d’information des journalistes et le droit des fonctionnaires à divulguer les informations dont ils disposent (voir le Journal Officiel des Communautés européennes, n° C44/34).

3. L’article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée “Convention européenne des Droits de l’Homme” ou “la Convention”) est à la base de la présente Recommandation. La Cour européenne des Droits de l’Homme a reconnu dans son arrêt Goodwin c. Royaume-Uni (27 mars 1996) que l’article 10 de la Convention inclut le droit pour les journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information. La Cour a également souligné que “la protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse, comme cela ressort des lois et codes déontologiques en vigueur dans nombre d’Etats contractants…” (voir Cour européenne des Droits de l’Homme, Goodwin c. Royaume-Uni, 27 mars 1996, paragraphe 39). La Cour a poursuivi en indiquant que “l’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de “chien de garde” et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie. Eu égard à l’importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique et à l’effet négatif sur l’exercice de cette liberté que risque de produire une ordonnance de divulgation, pareille mesure ne saurait se concilier avec l’article 10 de la Convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d’intérêt public” (ibidem).

4. Le MM-S-HR a conclu à l’opportunité de renforcer et compléter par une Recommandation les principes établis par l’arrêt Goodwin c. Royaume-Uni. Dans un État de droit, la police et les autorités judiciaires sont tenues de fonder leurs actions sur la loi et de faire usage de leur pouvoir discrétionnaire dans le cadre et dans l’esprit de la loi. A cet égard, une Recommandation adressée aux États membres offre une base pour des normes européennes communes minimales en ce qui concerne le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information.

5. La Recommandation est centrée sur les conditions d’une protection adéquate du droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information, dans le but d’assurer la liberté du journalisme et le droit du public d’être informé par les médias. La protection de la relation professionnelle entre les journalistes et leurs sources est, à cet égard, plus importante que la valeur réelle de l’information en question pour le public, comme l’a conclu la Cour européenne des Droits de l’Homme (voir, Goodwin c. Royaume-Uni, para. 37 in fine). Toute révélation d’une source peut avoir un effet inhibant sur les futures sources, qui seront alors moins désireuses de communiquer des informations aux journalistes, indépendamment du type d’information fourni par la source. Les lignes directrices jointes à la Recommandation définissent donc des principes communs pour le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources d’information, à la lumière de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

6. Conformément à cet article, ce droit des journalistes n’est pas absolu. A l’instar des articles 19 et 29, paragraphe 2 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et de l’article 19, paragraphe 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 10, paragraphe 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme prévoit la possibilité d’imposer des limites. Ces limites font l’objet d’une explication dans le cadre du Principe 3 de la Recommandation et des chapitres concernés du présent Exposé des Motifs.

7. Certains États membres du Conseil de l’Europe ont inscrit dans leur législation nationale l’obligation stricte de respecter la confidentialité des sources des journalistes, qui s’applique également aux journalistes eux-mêmes. En ce qui concerne la Recommandation, le MM-S-HR n’a pas estimé nécessaire de sanctionner par la loi les journalistes qui décident de révéler leurs sources, par exemple pour des considérations journalistiques. En règle générale, ils ont un intérêt professionnel évident à préserver la confidentialité de leurs sources pour ne pas décourager leurs sources futures et, ce faisant, mettre des entraves à leur travail futur. Il a en outre été tenu compte du fait que certains codes de déontologie des journalistes obligent ceux-ci à ne pas divulguer une source d’information qui a demandé l’anonymat. C’est pourquoi, la Recommandation se borne à parler du droit, en non pas de l’obligation, des journalistes de ne pas révéler leurs sources, ce qui ne devrait pas empêcher les États membres de prévoir dans leur législation nationale une protection plus stricte des sources, y compris à l’égard des journalistes.

8. La Recommandation tient compte des systèmes de protection nationaux mis en place dans certains États membres dans le cadre de la législation ou de la pratique, par exemple à travers la reconnaissance du droit spécifique des journalistes de refuser de témoigner devant un tribunal pour ce qui a trait à leurs activités professionnelles. La Recommandation ne vise pas à établir des limites particulières aux droits des journalistes, ni à abaisser les normes de protection déjà obtenues au niveau national. Au contraire, elle vise à renforcer ces droits.

II. Commentaire

Définitions

9. Pour assurer l’application précise de la Recommandation, il est nécessaire de préciser le sens de certains termes. Les définitions figurant ci-dessous ne tentent pas de définir ces termes dans l’absolu mais uniquement aux fins de la Recommandation.

a. Journaliste

10. La définition du terme “journaliste” est un préalable à la Recommandation. La protection de la confidentialité des sources d’information est limitée aux journalistes du fait de leur rôle et de l’importance du processus d’information ainsi que du droit du public à l’information, par le biais des médias, et donc indirectement via le travail des journalistes. Sous réserve du Principe 2, les personnes qui ne sont pas journalistes ne sont pas couvertes par la Recommandation.

11. Il est généralement admis que le droit à la liberté d’expression suppose le libre accès à la profession de journaliste, c’est-à-dire l’absence d’une obligation d’agrément officiel par des administrations ou organes de l’Etat. Ce principe est reflété dans le Principe 11 (b) de la Recommandation n° R (96) 4 sur la protection des journalistes en situation de conflit et de tension qui demande que même en pareille situation, “l’exercice du journalisme et des libertés journalistiques ne dépende pas d’une accréditation”. Dans le même sens, la Résolution n° 2 sur les libertés journalistiques et les droits de l’homme de la 4e Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse (Prague, 1994) affirme dans son Principe 3 (a) que “l’accès sans restriction à la profession de journaliste” permet aux journalistes de contribuer au maintien et au développement d’une démocratie véritable.

12. La Cour européenne des Droits de l’Homme n’a pas précisé les conditions nécessaires pour être considéré comme journaliste au regard de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Dans son arrêt Goodwin c. Royaume-Uni (27 mars 1996), la Cour a reconnu à M. Goodwin, journaliste stagiaire, employé depuis plus de trois mois lorsqu’il a été contacté par sa source, la qualité de “journaliste”.

13. Dans certains Etats membres, la législation nationale donne une définition de ce qu’est un journaliste. La Recommandation ne vise pas à modifier ces lois mais pose, aux fins de cet instrument, un certain nombre d’exigences concrètes :

(13.a) Un journaliste est normalement une personne physique. Les détenteurs de l’information fournie par la source peuvent toutefois être non seulement les journalistes eux-mêmes mais aussi leurs employeurs. Des personnes morales telles que les maisons d’édition ou les agences de presse doivent aussi être protégées comme les « journalistes » en application de la présente Recommandation. La Cour européenne des Droits de l’Homme a reconnu dans son arrêt De Haes et Gijsels c. Belgique (24 février 1997) que le rédacteur d’un journal et un journaliste travaillant pour ce journal pourraient prétendre de la même façon bénéficier du droit de ne pas divulguer une source en application de l’article 10 de la Convention.

(13.b) Le MM-S-HR a été d’avis qu’un certain caractère professionnel devrait être requis, c’est à dire qu’un journaliste, normalement, travaille régulièrement et reçoit une forme ou une autre de rémunération pour son travail. C’est pourquoi l’on emploie dans la Recommandation les termes “pratiquant à titre régulier ou professionnel”. Cela ne doit toutefois pas exclure les journalistes travaillant en indépendants ou à temps partiel, en début de carrière ou consacrant un certain temps à une enquête indépendante. Une accréditation ou une affiliation professionnelles ne sont pas nécessaires. Toutefois, des individus qui en d’autres circonstances ne se considéreraient pas comme des journalistes ne doivent pas avoir qualité de journalistes aux fins de la présente Recommandation. Cette dernière catégorie peut inclure, par exemple, les personnes écrivant des lettres au rédacteur en chef d’un organe de presse, figurant comme invités lors de programmes de radio-télévision ou participant à des forums de discussion par le biais de médias accessibles par des moyens informatiques. Le MM-S-HR a pris en compte l’historique de cette protection et a été attentif au fait que la protection des sources est un préalable vital pour le travail des médias dans une société démocratique, mais pas pour toutes les formes de communication au plan individuel. Limiter cette protection aux journalistes, tels qu’ils sont définis plus haut, facilitera également la mise en balance entre des droits et des valeurs qui peuvent être antinomiques, comme l’indique le Principe 3.

(13.c) L’expression “collecte et diffusion (¼.) par l’intermédiaire de tout moyen de communication” renvoie au fait que l’information est mise à la disposition du public dans son ensemble ou d’un vaste groupe ouvert de destinataires, abonnés, clients ou membres, par exemple. Les personnes travaillant à la création et à la diffusion de publicités ou de correspondances personnalisées n’entrent pas dans cette catégorie. Toutes les formes de techniques de communication peuvent être utilisées, y compris des publications non périodiques et des oeuvres audiovisuelles. En conséquence, les journalistes de la presse écrite, les photographes, les journalistes de la radio, de l’audiovisuel et ceux travaillant pour les médias accessibles par des moyens informatiques sont également couverts.

14. Dans les Etats membres où il existe déjà des systèmes de protection des sources, la protection était habituellement conçue à l’intention des journalistes travaillant pour les médias traditionnels (journaux, organismes de radiodiffusion). Or, rien ne justifie qu’on limite la protection à ces personnes et qu’on applique un régime différent à ceux dont la profession consiste à collecter et diffuser des informations par de nouveaux moyens de communication tels qu’Internet. Cela étant, il peut paraître plus difficile aux Etats membres de définir les caractéristiques de l’activité professionnelle des journalistes qui utilisent exclusivement ces nouveaux moyens de communication pour justifier la même protection, en raison de l’émergence de nouvelles professions dans ce domaine. Dans ces conditions, la portée large de la définition vise à éviter que la Recommandation ne soit modifiée dans un proche avenir. Il convient toutefois de souligner qu’une approche graduelle de la part des Etats membres peut s’avérer utile pour mettre en oeuvre les principes énoncés dans la Recommandation en ce qui concerne les nouveaux moyens de communication.

b. Information

15. Le droit du public de recevoir des informations et le fait que la protection de la relation entre les journalistes et leurs sources réponde à l’intérêt général sont les raisons de la protection de l’identité des personnes qui fournissent ces informations aux journalistes. La valeur de l’information pour le public ou le degré d’intérêt du public pour cette information ne sont pas décisifs pour la protection du droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources, comme l’a conclu la Cour européenne des Droits de l’Homme (voir Goodwin c. Royaume-Uni, paragraphe 37). La possibilité pour les journalistes de décider eux-mêmes du potentiel que l’information en question recèle du point de vue des médias entre donc dans le cadre de la protection de la liberté des journalistes assurée par l’article 10 de la Convention.

16. Les sources d’information peuvent avoir un intérêt à rester inconnues du public, parce qu’elles sont, par exemple, tenues de ne pas révéler l’information ou parce qu’elles risquent si elles le font de s’exposer à une forme ou une autre de sanction en droit ou en fait. La Recommandation s’applique non seulement aux déclarations de faits, mais aussi aux déclarations d’opinions et d’idées. La nature de l’information n’est pas pertinente et il peut s’agir de déclarations orales ou écrites, de sons ou d’images.

c. Source

17. Toute personne fournissant des informations à un journaliste est considérée comme sa “source”. La Recommandation s’est fixé pour objectif la protection de la relation entre un journaliste et sa source, eu égard à “l’effet négatif” sur l’exercice de cette liberté (de la presse) que risque de produire une ordonnance de divulgation (voir Cour européenne des Droits de l’Homme, Goodwin c. Royaume-Uni, 27 mars 1996, paragraphe 39). Les journalistes peuvent recevoir leur information de toutes sortes de sources. Une interprétation non restrictive de ce terme est donc nécessaire. Dans la pratique, la fourniture d’informations aux journalistes peut être le résultat d’une action de la source. Tel sera le cas par exemple lorsqu’une source appelle un journaliste ou lui écrit ou lui envoie des informations ou des images sur un enregistrement. On peut aussi considérer qu’une information est “fournie” lorsqu’une source reste passive et consent à ce que le journaliste prenne l’information, par exemple en filmant ou en enregistrant l’information avec le consentement de la source.

d. Information identifiant une source

18. Pour protéger adéquatement l’identité d’une source, il est nécessaire de protéger toutes les formes d’information qui sont susceptibles de conduire à l’identification de cette source. Le potentiel d’identification de la source détermine donc le type d’informations protégées et l’ampleur de cette protection. Dans la mesure où sa révélation peut conduire à l’identification d’une source, l’information suivante est protégée par la présente Recommandation :

a. le nom d’une source et son adresse, son numéro de téléphone et de télécopie, le nom de son employeur et autres données personnelles, ainsi que la voix de la source et les photographies sur lesquelles elle figure ;

b. “les circonstances concrètes de l’obtention d’informations”, par exemple l’heure et le lieu d’une rencontre avec une source, le moyen de correspondance utilisé ou les particularités convenues entre une source et un journaliste ;

c. “la partie non publiée de l’information fournie par une source à un journaliste”, par exemple d’autres faits, données, sons ou images pouvant indiquer l’identité d’une source et qui n’ont pas encore été publiés par le journaliste ;

d. “les données personnelles des journalistes et de leurs employeurs liées à leur activité professionnelle”, c’est-à-dire des données personnelles liées au travail des journalistes, qui pourraient être trouvées par exemple dans des listes d’adresses, des relevés d’appels téléphoniques, de communications informatiques, des documents de voyage ou des relevés de comptes bancaires.

19. Cette liste n’est pas nécessairement exhaustive. Le paragraphe c doit être lu et interprété d’une manière qui permette de protéger adéquatement une source dans un cas donné, le facteur décisif étant le point de savoir si une quelconque information supplémentaire peut aboutir à l’identification d’une source.

Principe 1 (Droit de non-divulgation des journalistes)

20. Le Principe 1 recommande aux Etats membres de prévoir dans leur droit et leur pratique internes une protection explicite et claire du droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources, par exemple en adoptant des textes nouveaux ou en examinant les dispositions existantes en vue de les modifier si nécessaire. Le terme «droit et pratique internes» correspond à l’expression «prévues par la loi» figurant à l’article 10, paragraphe 2 de la Convention, telle qu’interprétée par la Cour européenne des Droits de l’Homme. En conséquence, il peut comprendre une jurisprudence constante et précise établie par des juridictions nationales supérieures appliquant des principes généraux du droit national (voir également le Principe 3.a).

21. Le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources fait partie intégrante de leur droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention. L’article 10 de la Convention, tel qu’interprété par la Cour européenne des Droits de l’Homme, s’impose à tous les Etats contractants. Vu l’importance, pour les médias dans une société démocratique, de la confidentialité des sources des journalistes, il est bon toutefois que la législation nationale assure une protection accessible, précise et prévisible. Il est dans l’intérêt des journalistes et de leurs sources comme dans celui des pouvoirs publics de disposer de normes législatives claires et précises en la matière. Ces normes devraient s’inspirer de l’article 10, tel qu’interprété par la Cour européenne des Droits de l’Homme, ainsi que de la présente Recommandation. Une protection plus étendue de la confidentialité des sources d’information des journalistes n’est pas exclue par la Recommandation. Si un droit à la non-divulgation existe, les journalistes peuvent légitimement refuser de divulguer des informations identifiant une source sans s’exposer à la mise en cause de leur responsabilité au plan civil ou pénal ou à une quelconque peine du fait de ce refus.

Principe 2 (Droit de non-divulgation d’autres personnes)

22. “D’autres personnes” que les journalistes qui sont actives dans le secteur des médias devraient également être autorisées à ne pas révéler une source d’information si elles en prennent connaissance à travers la collecte, le traitement éditorial ou la publication de cette information. Il faut que ces tiers aient eu connaissance de la source dans le cadre de leurs “relations professionnelles avec les journalistes”. Le personnel de secrétariat, les collègues journalistes, le personnel chargé de l’impression, le rédacteur en chef ou l’employeur du journaliste peuvent avoir accès à l’information identifiant la source. Le travail journalistique et la diffusion de l’information par les médias peuvent même exiger que le journaliste révèle une information secrète sur son lieu de travail, sans la communiquer au public. Il est donc nécessaire d’étendre la protection à ces personnes également, de manière à sauvegarder le caractère secret de la source face à des tiers ou au public, s’ils ne sont pas déjà couverts par la définition d’un journaliste en application des systèmes de protection nationaux. Le personnel des agences de presse peut relever de cette catégorie, si ces personnes travaillent à la collecte et à la diffusion de l’information. Les Etats membres qui entendent prévoir une plus grande protection des sources sont libres de prendre des mesures afin d’obliger les « autres personnes » précédemment citées à respecter la confidentialité des sources.

23. Dans son arrêt De Haes et Gijsels c. Belgique (27 février 1997, paragraphe 55), par exemple, la Cour européenne des Droits de l’Homme a étendu le droit de ne pas divulguer des informations identifiant une source tant au rédacteur qu’au journaliste.

Principe 3 (Limites au droit de non-divulgation)

a. but légitime en application de l’article 10 de la Convention

24. La Cour européenne de Droits de l’Homme a souligné à maintes reprises l’exigence posée par l’article 10, paragraphe 2 de la Convention selon laquelle les restrictions à l’article 10 doivent être “prévues par la loi”. La Cour a estimé que “le droit interne applicable doit être formulé avec suffisamment de précision pour permettre aux personnes concernées – en s’entourant au besoin de conseils éclairés – de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé”, et être formulé avec une clarté suffisante pour assurer à l’individu “une protection adéquate contre une ingérence arbitraire” des pouvoirs publics du fait d’une discrétion illimitée (voir par exemple Goodwin c. Royaume-Uni, 27 mars 1996, paragraphe 31).

25. Par ailleurs, la Cour européenne des Droits de l’Homme a souligné que toute restriction aux libertés garanties par l’article 10, paragraphe 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme doit poursuivre un but légitime en application de l’article 10, paragraphe 2 de la Convention. L’article 10, paragraphe 2 de la Convention énumère les motifs justifiant une restriction de la liberté d’expression sans établir de hiérarchie entre eux. Toute limitation du droit des journalistes de ne pas révéler une information permettant d’identifier leur source et toute atteinte à l’intérêt général lié à la non-divulgation doit répondre à un intérêt légitime correspondant à l’un de ces motifs. A cet égard, l’article 10 paragraphe 2 doit faire l’objet d’une interprétation étroite, conformément à la jurisprudence constante de la Cour européenne des Droits de l’Homme. La légitimité d’un intérêt doit donc être établie par référence à ces motifs, qui peuvent éventuellement l’emporter sur les droits et les intérêts liés à la protection de la confidentialité des sources d’information des journalistes.

26. En troisième lieu, pour établir si un intérêt légitime donné, prévu par l’article 10, paragraphe 2 de la Convention justifie la restriction du droit à la liberté d’expression, la Cour européenne applique un test, une mise en balance, qui détermine si une restriction est «nécessaire dans une société démocratique» (voir Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 2), 26 novembre 1991, paragraphe 50). Afin de ne pas s’écarter de l’article 10, paragraphe 2 de la Convention, le MM-S-HR a décidé de ne pas lister une série d’intérêts légitimes particuliers qui pourraient justifier la divulgation forcée d’une source. A la place, le texte de la Recommandation inclut une série de vérifications et de critères pour évaluer l’intérêt légitime.

27. La Recommandation réaffirme l’attachement à ce test utilisé par la Cour européenne des Droits de l’Homme lorsqu’il s’agit de déterminer si une restriction est “nécessaire dans une société démocratique” en application de l’article 10, paragraphe 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (voir Sunday Times c. Royaume-Uni (no. 2), 26 novembre 1991, paragraphe 50). Le droit des journalistes de ne pas révéler leur source et l’intérêt du public à être informé par les médias doivent être tenus pour essentiels dans toute société démocratique. La Cour européenne des Droits de l’Homme a estimé que non seulement les médias ont pour tâche de diffuser des informations et des idées sur des questions d’intérêt public mais aussi que le public a le droit d’en recevoir (voir Fressoz et Roire c. France, 21 janvier 1999, paragraphe 51). L’effet dissuasif de la divulgation d’une source par un journaliste nuira à ce rôle des médias. Par conséquent, les tribunaux et autorités au niveau national attacheront une attention particulière à l’importance que revêt le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources.

28. La révélation d’éléments permettant d’identifier la source devrait donc être limitée à des situations exceptionnelles mettant en jeu des intérêts publics ou personnels vitaux susceptibles d’être établis de manière convaincante (voir Cour européenne des Droits de l’Homme, Goodwin c. Royaume-Uni, 27 mars 1996, paragraphe 37). Ce n’est que dans le cas où un impératif prépondérant d’intérêt public existe et si les circonstances présentent un caractère suffisamment vital et sérieux que la divulgation pourrait être considérée comme nécessaire dans une société démocratique conformément à l’article 10, paragraphe 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Le paragraphe b du présent Principe stipule quels sont les critères applicables à l’évaluation de cette nécessité. Dans ce contexte, il convient de rappeler que certains de ces intérêts personnels peuvent également être protégés par d’autres droits en application de la Convention (par exemple, le droit à un procès équitable).

b. nécessité de la divulgation

29. Comme indiqué au paragraphe a du présent Principe, les autorités nationales compétentes  sont censées procéder à une mise en balance adéquate de l’intérêt légitime qui s’attache à la divulgation d’une part, et le droit des journalistes de maintenir la confidentialité de leurs sources ainsi que l’intérêt général lié à la non divulgation, d’autre part. Le paragraphe c énonce les exigences qui s’appliquent pour déterminer la nécessité de la divulgation.

30. La nécessité de toute restriction apportée à la liberté d’expression doit être établie de manière convaincante, conformément à la jurisprudence constante de la Cour européenne des Droits de l’Homme (voir Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 2), 26 novembre 1991, paragraphe 50). Le paragraphe b exige donc qu’il puisse être établi de manière probante que la divulgation répond à un intérêt légitime qui l’emporte clairement sur l’intérêt général lié à la non-divulgation. Dans ce contexte, l’expression “de manière convaincante” signifie que l’évaluation des faits d’une affaire donnée et l’usage fait de la discrétion doivent être susceptibles de vérification ultérieure. Il est recommandé aux autorités compétentes de spécifier les raisons pour lesquelles un intérêt sérieux l’emporte sur l’intérêt à la non-divulgation. Cette mise en balance ouverte permet non seulement un droit de regard public mais aussi de contrôler éventuellement à un stade ultérieur les sanctions qui pourraient être imposées aux journalistes, pour ne pas avoir divulgué leur source, en application du Principe 5, paragraphe d de la Recommandation.

1. absence de mesures alternatives raisonnables

31. Outre l’existence d’un intérêt légitime prépondérant à la divulgation, la nécessité au sens de ce paragraphe exige qu’il soit impossible de respecter cet intérêt en l’absence de divulgation ; il faut en d’autres termes que soit établie la causalité entre la divulgation et la prise en compte de l’intérêt légitime.

32. La divulgation ne devrait être justifiée que si d’autres moyens ou sources ont été au préalable épuisés sans succès par les parties à une procédure de divulgation. Il pourrait s’agir, par exemple, d’une enquête interne en cas de diffusion d’informations internes confidentielles sur une entreprise ou une administration, du renforcement des restrictions à l’accès à certaines informations secrètes, d’investigations policières ou de la diffusion d’informations contraires à titre de contre-mesure. Les parties à une procédure de divulgation devraient donc épuiser les autres sources dans un premier temps avant de demander la révélation de sa source par le journaliste. Parmi les autres sources qui pourraient faire l’objet d’autres formes d’investigation et d’enquête on peut citer, par exemple, les employés, collègues, partenaires liés par contrat ou associés de la personne demandant la divulgation. Dans les Etats qui protègent la confidentialité des sources en tant que telle, la législation nationale pourrait interdire d’exiger des informations de la part d’autres personnes. Toutefois, les autres personnes qui ont un lien avec le travail du journaliste et prennent ainsi connaissance de ses sources sont protégées par le Principe 2 de la Recommandation.

33. L’information devient pertinente, dans la plupart des cas, du fait de sa large diffusion. La communication d’informations à un journaliste peut porter atteinte à certains droits ou intérêts, mais c’est la diffusion publique ultérieure de cette information par le journaliste qui affecte ces droits ou intérêts dans une mesure bien supérieure. Il est donc possible qu’une restriction plus ou moins poussée de la diffusion de cette information par le journaliste protège suffisamment les droits et intérêts en jeu. Tel était le cas dans l’arrêt Goodwin c. Royaume-Uni où la Cour européenne des Droits de l’Homme a conclu que l’intérêt pour la société en question de savoir lequel de ses employés avait révélé l’information pertinente au journaliste n’était pas suffisant pour l’emporter sur l’intérêt public attaché à la non divulgation, alors que dans le même temps l’intérêt de la société à limiter les éventuels conséquences financières négatives, voire catastrophiques, d’une diffusion publique de cette information dans les médias pouvait être suffisamment pris en compte par le biais d’une ordonnance interdisant la publication de cette information, sans que la source soit révélée. La Cour européenne des Droits de l’Homme a conclu que “l’ordonnance de divulgation visait un but pour une large part identique à celui déjà obtenu par l’injonction (contre la publication et la diffusion), à savoir empêcher la diffusion des renseignements confidentiels¼. .” (voir Goodwin c. Royaume-Uni, paragraphe 42). Si une telle limitation à la diffusion protège suffisamment les intérêts des parties cherchant à obtenir la divulgation, la divulgation de la source en plus de ces mesures ne sera pas justifiée.

34. Les particuliers ou les autorités publiques cherchant à obtenir la divulgation devraient donc rechercher et appliquer en lieu et place d’autres mesures proportionnées protégeant adéquatement leurs droits et intérêts, tout en représentant une ingérence moindre dans la protection du droit des journalistes de ne pas divulguer leur source. L’existence d’autres moyens raisonnables de protéger un intérêt légitime exclut la nécessité de la révélation de la source par le journaliste et les parties cherchant à obtenir la divulgation doivent au préalable épuiser ces autres possibilités.

2. l’emportant sur l’intérêt légitime

35. Compte dûment tenu de la jurisprudence constante de la Cour européenne des Droits de l’Homme, toute restriction à l’article 10 de la Convention doit être proportionnée à l’objectif légitime poursuivi (voir Goodwin c. Royaume-Uni, 27 mars 1996, paragraphe 39). La Cour européenne des Droits de l’Homme a conclu qu’il doit y avoir “une relation raisonnable de proportionnalité entre l’objectif visé par l’ordonnance de divulgation et les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif” (voir Goodwin c. Royaume-Uni, paragraphe 46). L’intérêt concret que la personne ou les pouvoirs publics ont à la révélation de la source doit être “suffisant (¼.) pour l’emporter sur l’intérêt public capital que constitue la protection de la source du journaliste.” (voir ibid. paragraphe 45).

36. Etant donné l’importance de la liberté d’expression et de la liberté des médias pour toute société démocratique et pour tout individu, et compte tenu de l’effet inhibant que la révélation d’une source peut avoir sur la propension des futures sources à fournir des informations aux journalistes, seuls des cas exceptionnels mettant en jeu un intérêt public ou personnel vital pourraient justifier la révélation d’une source et respecter le critère de proportionnalité. Le paragraphe c, sous-paragraphe ii renvoie à ce bon usage de la discrétion par les autorités compétentes et exige que (1) un intérêt légitime l’emporte sur l’intérêt du public à la non-divulgation et soit prouvé; (2) le caractère vital et la gravité des circonstances justifient cette divulgation; et (3) sont identifiés comme répondant à un besoin social impérieux par les autorités compétentes ; (4)  l’évaluation de la nécessité de la divulgation en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme est soumise à la supervision et au contrôle de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

37. La Recommandation ne cherche pas à amender l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Elle recommande des normes communes que devraient appliquer les autorités nationales dans les Etats membres. Parmi les motifs mentionnés à l’article 10, paragraphe 2 de la Convention, et au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme concernant l’application étroite de l’article 10, paragraphe 2 de la Convention, le Groupe de Spécialistes sur le droit des media et les droits de l’homme (MM-S-HR) a considéré que certains buts pouvaient constituer des intérêts légitimes au regard desquels la divulgation des sources des journalistes pourrait être justifiée, sous réserve de répondre aux critères posés par le Principe 3 b. Il a été considéré que, de prime abord, d’autres motifs seraient insuffisants pour justifier la divulgation, mème si cette divulgation pourrait être justifiée, eu égard à toutes les circonstances pertinentes.

38. Il pourrait ne pas être tenu compte de l’intérêt public à la non-divulgation, en particulier lorsque la divulgation est nécessaire à “la protection de la vie humaine”, “la prévention d’un crime grave”, ou “la défense, dans le cadre d’une procédure judiciaire, d’une personne accusée ou convaincue d’avoir commis un crime grave”, sous réserve de répondre aux critères énoncés au Principe 3.b. Le MM-S-HR a justifié son évaluation par le raisonnement suivant, en tenant compte du fait que les cas en question nécessitent une analyse adéquate des faits de l’espèce et l’établissement d’un juste équilibre entre les droits fondamentaux reconnus par l’article 10 et ceux qui sont reconnus par d’autres articles de la Convention:

Protection de la vie humaine

39. La protection de la vie est le premier des droits des êtres humains étant donné que tous les autres droits de l’homme et libertés fondamentales lui sont logiquement subordonnés. Le MM-S-HR a considéré que cette position prééminente de la protection de la vie humaine peut justifier la révélation des sources d’un journaliste.

Prévention d’un crime grave

40. Le droit pénal national établit généralement une distinction entre les infractions et les délits peu graves, d’une part, et les crimes « majeurs » ou graves, d’autre part. Dans cette dernière catégorie figurent habituellement les actes qui peuvent contribuer ou aboutir à des crimes tels que le meurtre, l’homicide, les blessures graves, les crimes contre la sécurité nationale ou la grande criminalité organisée. La prévention de telles infractions peut éventuellement justifier la révélation des sources d’un journaliste.

Défense d’un individu accusé ou convaincu d’avoir commis un crime grave

41. L’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme garantit en son paragraphe 1 le droit à un procès équitable et, en son paragraphe 3 d, le droit à l’audition de témoins à charge et à décharge pour toute personne accusée d’une infraction pénale. A la lumière de ce droit fondamental, on peut imaginer des cas où la révélation des sources d’un journaliste peut être nécessaire à la défense d’une personne accusée ou convaincue de crime dans le cadre d’une procédure judiciaire. Les législations nationales peuvent garantir aux journalistes le droit de ne pas faire de déposition dans ce type de procès, et la Recommandation n’a pas pour but de modifier cette protection plus large. Compte dûment tenu de la condition stipulant que la divulgation doit être limitée à des cas exceptionnels dans lesquels des intérêts vitaux sont en jeu, le MM-S-HR a jugé nécessaire d’indiquer que le droit à la défense d’une personne accusée ou convaincue d’avoir commis un crime grave pourrait éventuellement justifier la révélation de la source d’un journaliste.

c. application à tous les stades de toute procédure

42. Les exigences stipulées dans ce Principe devraient être respectées et appliquées par toutes les autorités publiques et à tous les stades de toute procédure où le droit de non-divulgation peut être invoqué par les journalistes. Il peut s’agir entre autres des investigations menées par la police ou le parquet, des procédures devant les tribunaux, des commissions parlementaires ou politiques d’enquête et d’autres instances ayant le pouvoir de faire comparaître des témoins, ainsi que des procédures de révision à la suite d’un recours ou devant des instances supérieures.

Principe 4 (Preuves alternatives aux sources des journalistes)

43. Dans son arrêt De Haes et. Gijsels c. Belgique (24 février 1997, paragraphes 55 et 58), la Cour européenne des Droits de l’Homme a appliqué le droit des journalistes de ne pas divulguer leur source à une affaire de diffamation. Un rédacteur et un journaliste avaient été condamnés pour diffamation, parce qu’ils avaient refusé de prouver la véracité de l’information diffamante en divulguant leur source. Or, celle-ci était fondée sur les déclarations faites par des experts judiciaires lors de précédentes affaires. La Cour européenne des Droits de l’Homme a estimé que, conformément à l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, les juridictions nationales ne peuvent rejeter une demande du journaliste accusé visant à ce que d’autres preuves que la divulgation de sa source d’information soient prises en considération dès lors que la justice a accès à ces preuves alternatives pour établir la véracité des déclarations du journaliste. L’importance des affaires de diffamation pour les journalistes et leur travail a conduit le MM-S-HR à inscrire un principe correspondant dans la Recommandation.

44. Dans les «procédures légales à l’encontre de journalistes aux motifs d’une atteinte alléguée à l’honneur ou à la réputation d’une personne» à travers un énoncé de fait prétendument faux, il se peut que les journalistes soient en mesure d’établir la véracité de leur déclaration en révélant leur source d’information.

45. Le droit des journalistes de ne pas divulguer leur source en application de la Recommandation impose aux autorités compétentes d’examiner toute preuve «à leur disposition en application du droit procédural national » plutôt que d’exiger des journalistes qu’ils révèlent leur source. L’autorité compétente peut se prononcer sur le caractère équivalent de cette preuve, compte tenu de l’intérêt de l’opinion à ce que les sources des journalistes restent confidentielles, comme indiqué dans la Recommandation. Un rejet pur et simple d’autres moyens de preuve risquerait de porter atteinte non seulement au droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources conformément à l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, mais aussi au droit à un procès équitable prévu à l’article 6 de la Convention. Comme dans l’affaire De Haes et. Gijsels c. Belgique, ces autres moyens de preuve peuvent, notamment, inclure des informations se trouvant dans des dossiers connexes de la justice ou de la police accessibles à l’autorité en question.

Principe 5 (Conditions concernant la divulgation)

a. intérêt légitime direct

46. Le Principe 3 recommande des exigences en ce qui concerne l’intérêt légitime à la révélation des sources d’information des journalistes. L’effet considérable et dissuasif de la révélation d’une source exige par ailleurs que l’ouverture par les autorités compétentes d’une action tendant à la divulgation d’une source soit assortie de certaines conditions. Pour éviter des demandes de divulgation abusives, arbitraires ou sans rapport, il est recommandé dans ce paragraphe que seules les personnes ou autorités publiques ayant un intérêt légitime direct à la divulgation soient habilitées à déposer une telle demande. Cette condition devrait s’appliquer à tous les stades des procédures concernant les sources journalistiques.

b. droit d’être informé

47. Les autorités publiques devraient veiller à éviter des situations dans lesquelles des journalistes pourraient révéler leurs sources d’information par erreur, faute de connaître leurs droits. Une bonne administration de la justice suppose que les personnes se trouvant devant une autorité qui a le pouvoir de faire comparaître des témoins soient informées par cette autorité de leurs droits fondamentaux en matière de procédure et autres droits. Conformément aux principes établis dans la Recommandation, le droit de non-divulgation ne peut être invoqué de manière absolue. Les journalistes doivent donc être informés de leur droit de ne pas révéler leurs sources d’information et de ses éventuelles limitations aux termes de l’article 10 de la Convention. Cette information doit, pour être effective, être donnée avant que la divulgation ne soit demandée.

c. sanctions pour non-divulgation

48. La révélation forcée des sources d’un journaliste ayant un effet assez défavorable, “négatif”, sur les futures sources et sur le travail des journalistes, elle doit être considérée comme une restriction majeure de la liberté d’information. L’article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme dispose que “toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi”. Le paragraphe c prend cette disposition en compte en recommandant que toute sanction à l’encontre de journalistes pour non-divulgation de leurs sources ne puisse être prise que par des autorités judiciaires au sens de l’article 6 de la Convention. A la base de la décision de prendre une sanction, on doit trouver une procédure judiciaire dans laquelle la cause du journaliste intéressé sera «entendue équitablement et publiquement». Le droit de regard du public sur ces procédures et ces sanctions est ainsi assuré.

d. contrôle des sanctions

49. Le paragraphe d. recommande aux Etats membres d’accorder aux journalistes le droit de faire en sorte que les sanctions pour non-divulgation d’une source soient soumises au contrôle d’une autre autorité judiciaire. L’exigence d’administration équitable de la justice aux termes de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme n’inclut pas expressément le droit à un contrôle par une instance supérieure, alors que l’article 2 du Protocole n° 7 du 22 novembre 1984 stipule ce droit s’agissant des condamnations en matière pénale. Toute décision d’une autorité nationale limitant le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources dans le cadre de l’article 10 de la Convention relève toutefois généralement du contrôle que peut exercer la Cour européenne des Droits de l’Homme. Une administration équitable et efficace de la justice au niveau national pourrait donc nécessiter la possibilité d’un contrôle au niveau national des ordonnances de divulgation en général, et plus particulièrement des sanctions prises pour non-divulgation d’informations permettant d’identifier une source.

e. limitation de l’étendue de la divulgation

50. Le caractère public des audiences judiciaires conformément à l’article 6 de la Convention est un principe fondamental de la bonne administration de la justice. Toutefois, dans le cas où une autorité compétente se prononce en faveur de la révélation d’une information permettant d’identifier une source, les effets négatifs de cette révélation pour le journaliste ou pour les sources en question, ainsi que pour l’activité journalistique en général devraient être limités dans toute la mesure du possible. Il peut donc être opportun d’écarter le public de la totalité ou d’une partie de la divulgation par le journaliste, afin d’éviter que l’identité de la source ne soit révélée publiquement et dans un contexte allant au-delà des parties à la procédure de divulgation. A titre d’exception au principe posé en application de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, il conviendrait par conséquent que les autorités compétentes examinent l’opportunité d’exclure le public de la procédure de divulgation.

51. Les autorités compétentes devraient également respecter la confidentialité de la divulgation d’informations identifiant une source, par exemple en ne divulguant pas elles-mêmes ces informations.

Principe 6 (Interceptions des communications, surveillance et perquisitions judiciaires et saisies)

52. La Recommandation fixe des normes pour la protection du droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources. La divulgation forcée représente l’atteinte la plus directe à la confidentialité des sources. Outre les mesures coercitives visant directement la divulgation, d’autres actions policières ou judiciaires peuvent porter atteinte de manière indirecte à la confidentialité de la source.

a. exclusion des mesures de contournement

53. Le Principe 6 tend à empêcher qu’une simple décision d’interception, de surveillance ou de perquisition et de saisie ne contourne la protection des sources d’information des journalistes, qui est recommandée, ou ne soit appliquée de manière à limiter cette protection. Le Principe 6 est donc un corollaire logique à la protection du droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources. Conformément au droit national, la décision d’interception, de surveillance ou de perquisition et de saisie pourrait éventuellement être combinée en une seule décision avec la décision de divulgation qui est conforme aux articles 8 et 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et aux principes de la Recommandation.

54. Les autorités nationales pourraient être amenées à ordonner l’interception des communications et de la correspondance de journalistes, leur surveillance et des mesures de perquisition et de saisie pour des raisons autres que la divulgation des sources d’information des journalistes. Cependant, ces mesures risquent fort de conduire à la divulgation des sources qui se trouvent en relation avec le journaliste intéressé au moment de l’interception, de la surveillance, de la perquisition ou de la saisie. En conséquence, le droit des journalistes de ne pas divulguer leur source devrait englober la protection contre les interceptions de communications, et les mesures de surveillance, de perquisition et de saisie, si leur but est de contourner ce droit. Toutefois, cela ne devrait pas exclure la possibilité pour les autorités nationales d’appliquer des mesures d’interception des communications, de surveillance ou des perquisitions et saisies judiciaires pour d’autres raisons légitimes conformément aux articles 8 et 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

1. interception des communications

55. Bien souvent, les journalistes doivent correspondre avec leurs sources par écrit, par téléphone, télécopie, courrier électronique ou d’autres moyens de télécommunication. L’interception des communications de journalistes ou de leurs employeurs peut révéler l’identité d’une source. La confidentialité des communications et de la correspondance des journalistes est protégée par l’article 8, ainsi que par l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Les autorités judiciaires ordonnant l’interception des communications ou de la correspondance des journalistes devraient limiter le mandat correspondant de manière à maintenir la confidentialité des sources. L’opération d’interception devrait respecter concrètement la confidentialité. En pratique, cela pourrait exiger que toute interception soit limitée aux communications ou à la correspondance avec les personnes autres que les sources du journaliste, ou que soient appliquées des procédures spéciales permettant de dissocier les informations identifiant une source des communications interceptées et de ne pas les enregistrer.

2. surveillance

56. La surveillance des journalistes doit non seulement répondre aux normes de l’article 8 de la Convention, mais aussi à celles de l’article 10 en ce qui concerne la protection du droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources. La police ou les autorités judiciaires peuvent maintenir des journalistes sous surveillance pour des raisons d’ordre judiciaire sans rapport avec leurs sources. En pareils cas, l’ordre et l’opération correspondante ne doivent pas révéler d’information permettant d’identifier une source. Cela peut se révéler très difficile en pratique et pourrait exiger, par exemple, le recours à des mécanismes spéciaux de contrôle de la surveillance des journalistes, tel que le suivi de la surveillance par une autre autorité qui veille à ce que seuls les éléments d’information ne permettant pas d’identifier une source soient enregistrés ou mis à disposition du fait de la mesure de surveillance.

3. perquisitions judiciaires et saisies

57. Le domicile privé ou le local professionnel des journalistes, leurs effets personnels, leur correspondance ou les données personnelles ayant trait à leurs travaux peuvent contenir des informations susceptibles d’entraîner la révélation d’une source. Il en va de même des locaux professionnels, effets personnels, correspondance, archives ou données personnelles de l’employeur du journaliste. Toute mesure de perquisition ou de saisie peut révéler une information permettant d’identifier la source.

58. Les autorités judiciaires ordonnant la perquisition ou la saisie devraient limiter le mandat de perquisition ou de saisie eu égard à la révélation des sources d’un journaliste, et les autorités judiciaires ou de police exécutant un tel mandat devraient respecter la confidentialité de la source dans leurs opérations de perquisition et de saisie conformément aux articles 8 et 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Cela devrait impliquer, par exemple, que la perquisition ou la saisie soit limitée aux documents ne contenant pas d’informations permettant d’identifier une source. On pourrait citer comme exemples concrets la saisie de biens meubles mais non d’informations en cas de saisie motivée par des créances pécuniaires à l’égard de journalistes ou la recherche d’objets prohibés limitée à ces objets sans prise en compte d’éventuelles informations permettant d’identifier une source.

b. mesures contre l’utilisation ultérieure des informations

59. Il se pourrait que les autorités de police ou les autorités judiciaires obtiennent des informations identifiant une source à travers les activités mentionnées au paragraphe a du Principe 6, bien que cela ait pu ne pas être la finalité de ces activités. Dans ce cas, le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information devrait exiger que des mesures soient prises pour empêcher l’utilisation ultérieure de ces informations comme preuve devant les tribunaux. Ces mesures pourraient être, par exemple, la destruction des enregistrements ou images identifiant la source ou la restitution des pièces saisies.

60. L’utilisation ultérieure de l’information identifiant une source devrait toutefois être possible si la divulgation était justifiée en application du Principe 3.

Principe 7 (Protection contre l’auto-accusation)

61. La Recommandation établit un certain nombre de principes pour la protection ou la divulgation des sources d’information des journalistes. Pour ce qui est de la divulgation, ces principes ne viennent pas limiter d’autres droits des journalistes en matière de communication d’information ou de témoignage prévus par les législations nationales et assurant un niveau de protection plus élevé. Les principes en matière de divulgation établis dans la Recommandation visent la divulgation des sources des journalistes au regard de l’article 10 de la Convention des Droits de l’Homme uniquement. Le droit de ne pas être contraints à faire une déposition qui risque de les incriminer est très généralement reconnu aux témoins ou aux personnes soupçonnées ou accusées d’infractions pénales. Le Principe 7 souligne que, si un tel droit existe, il doit être possible de l’invoquer indépendamment du droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information. L’on peut imaginer une situation dans laquelle les journalistes seraient tenus de révéler leurs sources en application du Principe 3.b, alors que le Principe 7 pourrait encore les protéger en cas d’accusation pénale dirigée contre eux.

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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