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L’armée française accuse Wagner de manipulation

Mise en scène viserait à accuser les Français d'avoir laissé un charnier derrière eux.

L’armée française a filmé ce qu’elle prétend être des mercenaires russes enterrant des corps près de la base militaire de Gossi, dans le nord du Mali. Cette mise en scène viserait à accuser les Français d’avoir laissé un charnier derrière eux dans cette région du Sahel, quelques mois à peine après avoir lancé l’opération Barkhane.

Des mercenaires russes du groupe Wagner auraient été pris en flagrant délit de manipulation dans le nord du Mali. C’est l’armée française qui révèle cette information, d’autant plus qu’elle a réussi à les filmer. Il s’agissait d’accuser les troupes françaises d’avoir laissé un charnier derrière elles.
Un faux compte Twitter a alerté les autorités françaises

Dans cette séquence filmée par un drone de l’armée française opérant au-dessus du Mali sur le renseignement, on voit des soldats blancs déplacer des cadavres et les recouvrir de sable avec des pelles à côté de la base de Gossi. Il s’agit d’une base militaire que l’armée française a quittée le 19 avril dans le cadre du plan de désengagement du Mali.

Le problème, c’est que quelques heures plus tard, ces images ont été publiées sur Twitter par un certain Dia Diarra, qui se présente comme un ancien soldat et un patriote malien. Un faux compte, selon l’état-major français. Mais, pour accompagner l’image, Dia Diarra avait écrit ceci : “Voilà ce que les Français ont laissé derrière eux lorsqu’ils ont quitté la base de Gossi. Nous ne pouvons pas garder le silence à ce sujet”.
Des membres des forces maliennes également présents

Très vite, l’armée française a identifié cette énième tentative de manipulation. Mais selon des informations venues d’Europe, ce n’est qu’à partir du 500e retweet qu’il a été décidé de la dénoncer publiquement. D’autant plus qu’avec le travail des renseignements, les analystes français sont certains que les hommes blancs aperçus appartiennent bien à Wagner. Mais le plus grave à finir est que l’on voit aussi des hommes, membres des forces armées maliennes.

Wagner pointé du doigt

D’après l’analyse de la situation par l’état-major français qui n’évoque pas la présence de maliens aux abords du charnier, les hommes de Wagner seraient seuls à la manœuvre. Mais d’autres images recueillies par l’armée française permettent de voir que la nuit précédente, des Fama dormaient au sein de la base, à proximité des tentes abritant généralement les mercenaires de Wagner.

La publication de documents de ce type par l’armée française est une première. Il s’agit de court-circuiter la fabrication de cette infox et d’apporter une réponse à l’offensive informationnelle. Il n’est pas rare, sur le terrain malien comme en Ukraine, que la désinformation russe vise à détourner l’attention d’exactions commises par ses propres éléments.

Selon l’état-major français, les corps utilisés dans cette mise en scène pourraient provenir des opérations menées non loin de Gossi, à Hombori le 19 avril. Après qu’un véhicule de la gendarmerie a été touché par un engin explosif improvisé, les Fama et leurs supplétifs russes ont mené des opérations au marché d’Hombori, faisant un nombre de victimes encore inconnu. À ce stade, les autorités maliennes ne se sont pas exprimées au sujet des images du charnier. Aucune mention n’est faite d’enquête en cours ou à venir.

Des échanges en bambara

On remarque par ailleurs que la circulation de ces images qui ont de quoi susciter l’émoi, n’est pas devenue aussi virale que l’on pourrait s’y attendre. Elles suscitent aussi beaucoup de commentaires sceptiques. En écoutant la bande son, on entend des échanges en bambara, une des langues nationales du Mali.

Les miliciens russes sont manifestement accompagnés par au moins deux Maliens. À en croire les propos tenus, ce sont eux qui sont chargés de jeter du sable sur les corps. Leur échange est édifiant : « Je ne crois pas à ce qu’ils nous racontent », affirme l’un d’eux, ajoutant : « je suis saoulé par cette attitude ». Réplique de son interlocuteur en bambara : « tu ne creuses pas assez, les corps doivent être bien recouverts ». Il apparaît que les deux hommes qui échangent ces quelques phrases ne craignent pas d’être compris par les hommes en uniforme.

Le retrait des troupes françaises du Mali et la réarticulation de la force Barkhane ailleurs au Sahel constitue un défi logistique. Il se fait sous la menace d’attaques informationnelles de ce type. Pour l’armée, « cette manœuvre de décrédibilisation de la force Barkhane semble coordonnée » et « témoigne des modes d’action de Wagner » en Afrique, tels que déjà observés en République centrafricaine.

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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