Ghosting : le nouveau sport national des ninjas modernes
Vous pensiez que la plus grande prouesse de l’humanité était d’envoyer un homme sur la Lune ? Détrompez-vous. Le véritable exploit, de nos jours, c’est de réussir à disparaître de la vie de quelqu’un plus vite que son ombre, sans laisser ni mot, ni texto, ni coup de fil. Vous l’avez deviné, nous allons parler du phénomène le plus trendy depuis le quinoa : le « ghosting ».
Quand Houdini rencontre le smartphone
Imaginez un beau jour, vous faites la connaissance de quelqu’un d’absolument charmant : on vous envoie des cœurs, des gifs de chatons, des stories Instagram sur les couchers de soleil. Vous commencez à y croire. Et puis, du jour au lendemain, plus rien. Le vide cosmique. Cette personne disparaît aussi efficacement qu’Houdini en pleine représentation. Ni fleurs, ni couronnes, ni adieux. Juste un silence radio qui vous laisse aussi perplexe qu’un pigeon devant un couteau à huître.
L’ère de l’esquive tout-terrain
En réalité, le ghosting, c’est un peu comme réussir un exil fiscal émotionnel. Et c’est devenu l’un des passe-temps préférés de l’espèce humaine. Pourquoi affronter les choses quand un simple « bloquer ce contact » fait l’affaire ? Après tout, on vit dans une époque où l’on peut obtenir un repas en trois clics sans même prononcer le mot « bonjour ». Alors pourquoi s’embarrasser d’une conversation délicate quand on peut simplement disparaître comme un tour de passe-passe ?
Les gens passent plus de temps à ajuster leurs filtres sur Instagram qu’à cultiver des relations humaines saines. Dans un monde où tout se consomme et se jette, pourquoi s’étonner qu’on traite les êtres vivants comme des confettis de fête foraine ? Une fois l’euphorie retombée, on balaie le tout d’un revers de main. Propre, net, et sans le moindre remords.
Les mille et un visages du ghosting
Mais attention, amis lecteurs, le ghosting n’est pas un concept monolithique. Il se décline comme une gamme de parfums douteux :
- Le Ghosting classique : Vous aviez un rendez-vous hier ? Aujourd’hui, ce cher individu est aussi introuvable que le vrai ticket gagnant du Loto.
- Le Slow Fade : Version subtile du ghosting où la fréquence des messages passe lentement de « toutes les trois minutes » à « … il s’est perdu dans le Triangle des Bermudes ? ». C’est un peu le régime minceur des interactions : on réduit progressivement jusqu’à disparition totale.
- Le Zombieing : Vous pensiez que le fantôme était parti hanter d’autres cieux ? Détrompez-vous. Il revient d’entre les morts, un petit « Coucou ! » à 2 heures du matin, l’air de rien, comme si vous aviez gardé sa place au chaud.
- Le Breadcrumbing : On vous déverse quelques miettes d’attention ça et là, histoire de maintenir l’espoir, sans jamais s’engager pour de vrai. C’est un peu comme si on vous proposait une soirée raclette, mais qu’on ne vous laissait finalement que renifler le fromage.
Pourquoi un tel succès ?
Pourquoi les gens adorent-ils le ghosting ?
Le confort ! C’est plus simple que d’affronter une conversation sincère. C’est un peu la version relationnelle du « Ctrl + Alt + Suppr » : on préfère redémarrer l’ordinateur plutôt que de régler le bug. Aussi, dans ce monde où l’on swipe plus vite que notre ombre, tout est devenu jetable. De la brosse à dents au date Tinder, il n’y a qu’un pas.
Peut-être aussi que nous avons juste un petit goût pour le drame. Après tout, quoi de plus théâtral que de prendre la tangente sans un mot, laissant l’autre en plein suspense ? Hitchcock serait fier de nous.
Faut-il s’y résigner ?
Alors, est-ce qu’on applaudit ce nouveau talent d’invisibilité sociale, ou est-ce qu’on pleure sur nos smartphones ? Tout dépend de quel côté de la barrière vous vous trouvez. Si vous êtes le ghosteur, vous marchez sur un tapis rouge vers la liberté immédiate. Si vous êtes le ghosté, vous errez dans un labyrinthe de non-dits et d’interrogations existentielles : « Ai-je abusé sur les émojis licorne ? »
Peut-être qu’un jour, on réinventera la politesse et la franchise, comme de nouvelles trouvailles révolutionnaires. En attendant, si vous recevez soudainement un dernier message un peu trop enthousiaste, profitez-en : c’est peut-être votre prochain zombie en pleine phase d’échauffement.
Le ghosting, ce grand art moderne de la fuite en avant, illustre à merveille la devise du XXIe siècle :
“Pourquoi parler quand on peut disparaître ?”
Alors à tous les Marc, Lucie, Thibaut et Sandra qui pratiquent la fuite mystique, sachez que vous êtes devenus les ninjas de la communication. Et à tous ceux qui subissent cette haute forme d’invisibilité, consolez-vous : un jour, le fantôme pourrait bien revenir frapper à votre porte… ou la hanter, c’est selon.
David SCHMIDT