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Syrie : la France rapatrie les enfants mais pas les adultes djihadistes

Les adultes devront être jugés sur place

Syrie : la France continuera à rapatrier les enfants de djihadistes, mais pas les adultes

Jean-Yves Le Drian rappelle la doctrine française pour les djihadistes et leurs familles de nationalité française retenus sur zone irako-syrienne : la France rapatrie les enfants, mais pas les adultes qui devront être jugés sur place. La France continuera dans la mesure du possible de rapatrier les enfants de djihadistes français du nord-est de la Syrie mais exclut tout geste similaire pour les adultes, a réitéré le 14 février le chef de la diplomatie française.

«Pour les enfants nous continuerons, pour les mineurs isolés, les orphelins, pour ceux dont la mère accepte le départ […] et en menant à chaque fois des opérations extrêmement dangereuses», a déclaré Jean-Yves Le Drian sur la chaîne France 5, en rappelant que la zone est «toujours en guerre». «Je veux bien regarder tout cela […] mais par contre les adultes non», a-t-il précisé, réaffirmant la doctrine française en la matière. Jusqu’à présent, 35 enfants, majoritairement des orphelins, ont été rapatriés par Paris. Environ 80 femmes françaises, qui avaient rejoint l’organisation terroriste Daesh, et 200 enfants sont détenus dans les camps kurdes du nord-est syrien. Les situations évaluées au cas par cas Le célèbre neuropsychiatre français Boris Cyrulnik a exhorté en janvier le président Emmanuel Macron à les rapatrier, ainsi que leurs mères, estimant qu’ils constituent sur place «une menace pour notre sécurité». Des avocats, parlementaires, ONG ou encore la Commission nationale consultative des droits humains exhortent régulièrement les autorités françaises à les rapatrier. Celles-ci maintiennent une politique de retour au cas par cas pour ces enfants et considèrent que les adultes devraient être jugés sur place. «Il faudrait qu’il y ait au moment où la situation sera stabilisée en Syrie, ce qui n’est pas le cas, une juridiction qui soit identifiée pour assurer cela, autrement il n’y a pas de sortie», a martelé Jean-Yves Le Drian.

Des femmes détenues en Syrie entament une grève de la faim

Dénonçant «le refus obstiné des autorités françaises d’organiser leur rapatriement», une dizaine de femmes détenues en Syrie ont entamé une grève de la faim. Elles disent «vouloir assumer leur responsabilité et être jugées en France». Une dizaine de femmes, détenues dans des camps en Syrie, ont entamé le 21 février une grève de la faim «pour protester contre le refus obstiné des autorités françaises d’organiser leur rapatriement et celui de leurs enfants», ont annoncé dans un communiqué publié le 21 février Maitre Marie Dosé et Maitre Ludovic Rivière.

«Après des années d’attente et aucune perspective de jugement sur place, elles estiment n’avoir plus d’autre choix que de refuser de s’alimenter», écrivent les deux avocats, conseils de certaines d’entre elles. «Dans des messages audio adressés à leurs proches, ces femmes ont expliqué ne plus supporter de regarder leurs enfants souffrir, vouloir assumer leur responsabilité et être jugées en France pour ce qu’elles ont fait», ajoutent-ils, rappelant que «toutes ces femmes sont sous le coup d’une information judiciaire confiée à un juge antiterroriste français». Quelque 80 femmes, qui avaient rejoint l’Etat islamique, et 200 enfants sont détenus dans des camps en Syrie gérés par les forces kurdes. Selon le Comité international de la Croix Rouge (CICR) qui intervient dans les camps d’Al Hol et de Roj, dans le nord-est syrien, les enfants souffrent de malnutrition et d’affections respiratoires graves en hiver. Pour Paris, les adultes doivent être jugés sur place Dans un avis rendu en novembre, le comité des droits de l’enfant de l’ONU a alerté sur le danger «immédiat» pour la vie de ces enfants, détenus dans des «conditions sanitaires inhumaines» et privés des denrées «les plus basiques». Paris maintient depuis des années une politique de retour au cas par cas pour ces enfants – 35 d’entre eux, majoritairement des orphelins, ont été rapatriés jusqu’ici – et estime que les adultes devraient être jugés sur place.

Laisser ces femmes dans ces camps alors que les autorités kurdes [qui ne peuvent pas les juger] exhortent la France à les rapatrier depuis des années est totalement irresponsable et inhumain», considèrent les deux avocats. Le député UDI Pierre Morel-A-L’Huissier et le sénateur communiste Pierre Laurent ont dénoncé le 16 février la «lâcheté» de la France qui, selon eux, «abandonne» des femmes et enfants détenus «dans des conditions inhumaines» en Syrie, exhortant leurs collègues à réclamer avec eux un rapatriement général. Pascale Descamps, mère d’une femme de 32 ans détenue dans un camp avec ses quatre enfants et qui dit souffrir d’un cancer, a cessé de s’alimenter début février pour obtenir son rapatriement. En décembre, le Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU avait demandé à la France de «prendre les mesures nécessaires» pour permettre à cette femme d’accéder à des soins médicaux.

La mère d’une Française détenue en Syrie fait appel à Brigitte Macron pour rapatrier sa fille

Pascale Descamps, la mère d’une Française emprisonnée avec ses enfants en Syrie après avoir rejoint Daesh, entame une grève de la faim et en appelle à une intervention de l’épouse du président français, Brigitte Macron, pour rapatrier sa fille. Selon les informations du Figaro, Pascale Descamps a entamé une grève de la faim le 1er février pour demander l’aide de l’Etat français dans le rapatriement de sa fille détenue en Syrie avec ses enfants après avoir rejoint Daesh en 2015.

La demande de la mère de cette femme de 32 ans, convertie à l’islam, est appuyée par un courrier du Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes) à Brigitte Macron, l’épouse du président de la République. Le centre précise que la détenue souffre d’un «cancer du côlon à un stade très avancé» et que ses enfants seraient eux-mêmes malades : «Aucun d’eux n’a d’accès aux soins nécessaires et une intervention chirurgicale sur place reviendrait à encore réduire les chances de survie de sa fille, l’hygiène et les conditions de vie étant plus que médiocres, comme vous le savez très certainement.» Concernant le parcours de la trentenaire détenue au camp de Roj 2 contrôlé par les Kurdes, Le Figaro décrit un départ de France «avec ses trois enfants et son compagnon djihadiste, tué quelques mois plus tard» et ajoute : «Remariée à un autre membre du groupe Etat islamique (EI), lui aussi tué, elle a eu un quatrième enfant sur place.» L’association appelle donc à la clémence et souligne dans son courrier à la femme du chef d’Etat : «Mme Pascale Descamps souhaite simplement pouvoir prendre sa fille dans ses bras et l’accompagner avant que celle-ci ne succombe à la maladie en laissant quatre orphelins. Elle n’est pas dangereuse, ses petits non plus.» Pascale Descamps, citée par Le Figaro, déclare qu’elle veut voir sa fille «traitée humainement» et assure : «Elle a des comptes à rendre et elle va l’assumer. Si elle survit, elle ira en prison.»

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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