Auteurs

La putain du Califat

le récit bouleversant d'une esclave de l’État Islamique

Esclave de l’État islamique, cette chrétienne irakienne aura subi durant deux ans les viols répétés et les tortures de ses maîtres. Son récit bouleversant en dit long sur le « califat » de l’horreur.

Elle s’appelle Marie. Chrétienne d’Irak. Elle aura cru pouvoir rester dans son pays, sa maison et son jardin. Alors que ses voisins fuient vers les frontières à bord de véhicules surchargés, en craignant de se faire mutiler aux check-points par les fanatiques du « califat », elle s’obstine à rester. Elle et quelques-uns de sa famille, s’imaginant protégée par des alliances et des bakchichs, et par l’évêque qui jure que tout se passera bien…
Vendue 13 fois par l’Etat islamique

Toutefois, raptée en août 2014 à Qaraqosh, la plus grande cité chrétienne d’Irak, la jeune professeur d’anglais sera vendue treize fois de suite comme esclave par l’État islamique à Mossoul puis à Raqqa, en Syrie. Il faut préciser que Marie, 35 ans, est une jolie célibataire, blonde, chrétienne et anglophone, donc nécessairement alliée aux infidèles. Bref, elle incarne tous les péchés et attise la convoitise. Et, durant deux ans, elle appartiendra à ce « bétail » terrifié des sabiya, pauvres êtres qu’on se rétrocède ou qu’on loue.

Au « califat », le trafic et la possession des esclaves est légal !

Proie de choix, ses maîtres successifs, plus motivés par l’argent et le sexe que par le djihad, en jouent et en jouissent. Jamais avares non plus de coups et de tortures envers cette rebelle qui, de mille façons, leur résiste… C’est en tous cas ce que Marie raconte à la journaliste Sara Daniel, égrenant au filtre de sa mémoire fracassée les faits et les noms de ses bourreaux, cet imam chevrotant, puis ces deux Européens convertis, un Allemand et un Français, l’ignoble Rachid, natif de Lunéville. Ceux-là, entre les visionnages de Game of Thrones, se détendaient avec leurs « choses ».

Plusieurs scènes sont éprouvantes à lire. Mais cette confession, qui dit autant qu’elle tait, en dépit d’une chronologie assez confuse, reste sobre et digne. Bouleversante toujours. A l’exemple de Marie, finalement libérée sous rançon, puis exfiltrée en 2017 grâce à une ONG chrétienne, en Jordanie, avant de s’exiler. La miraculée aura survécu à l’ignominie. Et face au silence de sa communauté (« Oublie tout ça. C’est arrivé à quelqu’un d’autre »), elle entend maintenant crier haut et fort.

“La putain du Califat”, de Sara Daniel et Benoît Kanabus, éd Grasset, 18,50 €. © DR

GEO Histoire

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

Donnez-nous votre avis sur cette article !

Bouton retour en haut de la page