La résilience écologique
L’homme se plaît à croire qu’il peut réparer ce qu’il a détruit. Ce n’est pas le cas. Une forêt rasée à blanc ne va pas se régénérer en quelques années. Il faut des cycles successifs, des transformations, des évolutions sur des siècles, voire des millénaires pour obtenir des écosystèmes riches et diversifiés.
On entend souvent parler de résilience écologique, après des catastrophes naturelles ou environnementales. La résilience écologique est un terme qui regroupe des phénomènes environnementaux complexes.
La résilience écologique : définition
La résilience est la capacité de certains matériaux à reprendre leur forme initiale après un choc. Ce terme est utilisé par extension pour décrire la capacité de certains écosystèmes, individus ou sociétés à se reconstruire après une grave perturbation. D’ores et déjà, il est important de souligner que la résilience écologique, psychologique ou sociétale ne décrit pas exactement le même processus que la résilience des matériaux, car l’état initial ne peut jamais être restauré complètement. Il s’agit de différents processus d’adaptation et de reconstruction pour atteindre un nouvel équilibre grâce aux ressources.
La résilience écologique : une renaissance
Il existe plusieurs formes de perturbations graves pouvant affecter un milieu naturel :
– Les facteurs abiotiques (intervention du non vivant) comme des tempêtes, inondations, incendies, éruptions volcaniques…
– Les facteurs biotiques (intervention du vivant) comme les activités humaines (déboisement, chasse, pêche, agriculture) ou l’invasion de parasites ou d’organismes biologiques…
Ces facteurs introduisent un ou plusieurs perturbateurs dans le milieu, qui, en détruisant une partie des organismes vivants, le mettent en péril. S’enclenchent alors des réactions en chaîne. Certains organismes vont profiter du changement et en évincer d’autres. Certains disparaissent, mais peuvent coloniser le milieu par la suite si les conditions redeviennent favorables.
Les plantes ou certains insectes utilisent alors leur faculté de dormance (pause), attendant les conditions favorables pour se développer de nouveau, les animaux peuvent espacer les naissances jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit créé.
Une condition à la résilience écologique : la biodiversité
Le phénomène de résilience écologique a été observé, décrit et théorisé à partir des années 70-80. Un chercheur américain, David Thilman, constata que seules les parcelles abritant le plus de biodiversité avaient résisté à la grande sécheresse de 1988 qui avait causé la perte de toutes les récoltes dans les prairies du Minnesota. Dès lors, il semblait que seuls les écosystèmes présentant la plus grande variété d’espèces pouvaient encaisser une perturbation grave et se régénérer. Par la suite, d’autres travaux ont complété la description en intégrant la diversité génétique et la diversité des milieux. Les écosystèmes les plus complexes sont donc présentés comme ceux ayant le plus fort taux de régénération, par exemple la forêt tropicale qui semble pour l’instant résister au réchauffement climatique.
La résilience écologique : une technique au service de l’environnement
Ces phénomènes de résilience écologique peuvent être utilisés pour récréer des écosystèmes. De nombreuses expérimentations sont menées sur le terrain pour recréer les milieux naturels. En plantant des espèces endémiques, on voit peu à peu revenir les insectes, puis les animaux… C’est très intéressant pour réhabiliter des friches industrielles, des zones humides, réaménager le paysage agricole pour augmenter la biodiversité.
La résilience écologique : une illusion ?
Un milieu peut encaisser des chocs successifs et paraître résilient, sans changements notables. Mais il existe des effets de seuil. Un milieu résilient est toujours différent de son état antérieur, et une ultime perturbation peut le faire basculer et le transformer totalement de manière irréversible. Ces effets de seuil sont une composante de l’évolution et de l’adaptation de la vie. Comme l’a si bien démontré Darwin, les espèces qui perdurent sont celles qui s’adaptent à leur milieu.
Dans la perspective d’un monde fait de multiples équilibres, la résilience écologique est alors définie comme la quantité de perturbation qu’un système peut recevoir avant de passer à un autre état.
Par la suite, dans les années 1990, le concept de système socio-écologique a été créé pour traduire, d’une part, le fait que les interactions sociales et écologiques sont liées, et d’autre part, qu’il est nécessaire de les aborder ensemble pour comprendre et éventuellement gérer le système qu’elles forment. La résilience d’un tel ensemble est alors sa capacité à absorber les perturbations d’origine naturelle ou humaine et à se réorganiser de façon à maintenir ses fonctions et sa structure. En d’autres termes, c’est sa capacité à changer, tout en gardant son identité. Dès lors, penser la résilience d’un système revient à penser les transitions entre différents états plus ou moins désirables et recherchés par les humains.
La résilience permet de réfléchir à la manière dont les systèmes socio-écologiques répondent aux perturbations, comment ils s’adaptent à la fréquence et à l’intensité de ces perturbations, et comment nous les transformons. À la fois source de critiques radicales mais aussi d’optimisme, l’exploration de la résilience permet de parcourir le champ du possible, d’accroître notre capacité d’adaptation aux changements imprévisibles, de nous inciter à transformer des systèmes intenables et inacceptables. Qu’on l’aborde sous l’angle de la science ou de l’idéologie, la résilience peut nous aider à penser nos problèmes environnementaux et à agir.
David SCHMIDT