Qu’est-ce que le « stealthing » ?
Les violations des limites et à des activités sexuelles non consensuelles
Comprendre le retrait non consensuel d’un préservatif
Les normes de genre sont souvent à l’origine de pratiques sexuelles malsaines. Dans certains cas, elles peuvent créer des idées fausses sur les droits sexuels des hommes et des attentes irréalistes quant à la soumission et la docilité des femmes pendant les rapports sexuels. Ces idées fausses peuvent conduire à des violations des limites et à des activités sexuelles non consensuelles. Un exemple de ce phénomène est le « stealthing », une pratique sexuelle récemment identifiée qui repose sur la tromperie et la violation.
Qu’est-ce que le « stealthing » ?
On parle de « stealthing » lorsqu’une personne retire délibérément un préservatif lors d’un rapport sexuel avec pénétration sans le consentement ou la connaissance de son partenaire. Le « stealthing » est également connu sous le nom de « retrait non consensuel du préservatif ». Un exemple de scénario de « stealthing » pourrait être le cas où une victime dit à son partenaire qu’elle ne veut pas avoir de rapports sexuels non protégés et qu’elle ne consent qu’à des rapports sexuels avec un préservatif externe.
Le partenaire retire alors secrètement le préservatif pendant le rapport, souvent sans en informer la victime avant un certain temps après l’incident (ou pas du tout). Si tous les actes de furtivité ne ressemblent pas exactement à ce scénario particulier, il est important de se rappeler qu’ils ont tous un point commun : l’absence de consentement.
Aux États-Unis, le stealthing commence tout juste à faire l’objet d’une conversation nationale, suscitant des débats sur la question de savoir s’il s’agit ou non d’un problème et, dans l’affirmative, sur la manière de l’aborder. Cette discussion a même atteint le système juridique. En Californie et au Wisconsin, les législateurs tentent actuellement de faire passer des projets de loi qui modifieraient les lois de l’État afin de classer le retrait non consensuel d’un préservatif pendant un rapport sexuel comme une agression sexuelle.
En France, il n’existe pas de jurisprudence portant directement sur le stealthing, mais la qualification de viol devrait s’imposer. S’il ne fait pas de doute qu’il ne peut s’agir que de viol par surprise, il reste encore à faire reconnaître le fait que la surprise puisse porter sur une des modalités du rapport sexuel. La jurisprudence récente de la Cour de cassation invite à un certain optimisme dans ce sens.
Le stealthing, viol par surprise.
En droit français le viol est défini comme un « acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise».
Le législateur ne se réfère pas directement au consentement mais prévoit 4 moyens par lesquels l’auteur d’une agression sexuelle est susceptible d’outrepasser le consentement de son ou sa partenaire : par violence, par contrainte, par menace ou par surprise.
En l’occurrence si le stealthing peut être considéré comme un viol, il ne peut logiquement s’agir que d’un viol par surprise, la pratique consistant précisément à imposer un rapport sans préservatif sans faire usage d’aucune violence, contrainte ou menace préalable. Si l’acte requiert de la discrétion (stealth) de la part de son auteur, c’est bien pour qu’il agisse par surprise.
Comment cela est-il normalisé ?
Les pratiques sexuelles malsaines se normalisent lorsque nous les voyons apparaître dans la culture pop ou dans des endroits comme nos plateformes en ligne préférées, sans qu’il soit reconnu qu’elles sont nuisibles ou mauvaises. La furtivité, par exemple, porte un nom qui la fait ressembler davantage à un mode de jeu vidéo cool qu’à ce qu’elle est réellement : une agression sexuelle.
Ce type de nom trompeur fait passer le retrait non consensuel du préservatif pour un comportement normal, voire amusant. La normalisation du stealthing ne s’arrête pas seulement à son nom, mais se poursuit également sur les médias sociaux sous la forme de mèmes. Sur Instagram et Twitter, les gens se sont mis à poster des mèmes « drôles » sur le retrait d’un préservatif à l’insu de leur partenaire. Ce faisant, ils contribuent à présenter le stealthing comme un acte sexuel acceptable.
Les hommes (ou les personnages masculins) représentés dans ces mèmes n’ont pas honte de leurs actions mais semblent plutôt heureux de ce qu’ils ont accompli. Alors que les mèmes peuvent parfois être un bon moyen de parler d’expériences sexuelles/personnelles pertinentes, les mèmes sur le stealthing se vantent de quelque chose qui est blessant et non consensuel. Cette célébration de la tromperie sexuelle enseigne non seulement aux gens que le stealthing est acceptable, mais aussi qu’ils peuvent en être fiers. La normalisation de la dissimulation, par le biais de mèmes ou d’autres moyens, ne fait que favoriser la poursuite de cette pratique sans critique.
En quoi est-ce nuisible ?
Le stealthing a des répercussions physiques et émotionnelles pour ceux qui en font l’expérience. Les risques pour la santé physique lors de rapports sexuels avec pénétration augmentent sans l’utilisation d’un préservatif, car les risques de transmission d’une MST et de grossesse non planifiée augmentent. Par conséquent, les victimes de stealthing doivent généralement faire appel à des services de reproduction supplémentaires et à des tests de dépistage après l’incident. En raison de la tromperie qu’il implique, le stealthing peut également avoir des effets émotionnels et psychologiques néfastes.
Comme les victimes de stealthing n’acceptent pas de s’exposer à ce risque physique ou d’avoir des relations sexuelles sans protection, leur consentement et leur confiance sont violés. Les personnes qui ont été victimes de stealthing décrivent l’acte comme similaire à une agression ou à une violence sexuelle. Certaines souffrent du syndrome de stress post-traumatique et éprouvent des sentiments tels que la honte et la confusion. Souvent, les victimes n’ont pas le vocabulaire approprié pour exprimer ce qui leur est arrivé, car le stealthing n’est pas considéré comme une forme d’agression sexuelle.
La pratique de la dissimulation est ancrée dans les attentes problématiques des hommes et des femmes en matière de sexualité. Si l’on apprend aux hommes à être sexuellement agressifs, à faire passer leurs désirs en premier et à considérer leurs partenaires comme des objets passifs destinés à répondre à leurs besoins, alors le consentement et le respect sont considérés comme des éléments non essentiels du sexe. Cette croyance conduit à des actes comme le stealthing, des actes qui violent la dignité d’un individu et son droit à une sexualité saine et consensuelle.
Que pouvez-vous faire contre le stealthing ?
Rappelez-vous que l’activité sexuelle nécessite un consentement continu et une communication sincère. Consentir à une activité ne signifie pas consentir à toutes les autres. Utilisez les moments problématiques pour entamer des conversations sur le respect des limites des partenaires sexuels. Travaillez à normaliser les rencontres sexuelles saines et consensuelles (peut-être même créez des mèmes qui encouragent l’utilisation du préservatif et le sexe consensuel).