David SCHMIDTFrance

France: Écart grandissant entre les riches et les autres …

D.S. : Dans un monde en proie à la colère, face à l’écart grandissant entre les riches et les autres, la France se distingue comme un pays conçu avec soin pour protéger la paix sociale. Mais avec les ressentes manifestations et le raz-le-bol des Français, les tensions devraient nous rapproche dans le combats, sauf que certains propos tenu dans des articles de presse mon un peu choqué car on n’hésite pas a mettre la faute sur l’immigration ou sur les étrangers alors que le problèmes vient d’en haut de la pyramide …

Selon la Banque mondiale, l’inégalité économique y est moins marquée qu’aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne. Sa population bénéficie de soins de santé complets dans le cadre d’un programme national d’assurance. Seuls le Danemark, la Belgique et la Suède consacrent un pourcentage plus élevé de leur économie aux programmes de protection sociale destinés aux citoyens en âge de travailler, selon une analyse de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Malgré cela, la France est consumée par une vague féroce et soutenue de troubles sociaux. Les protestations tumultueuses et intermittentes du mouvement de nos gilets jaune ont ébranlé le pays depuis leurs débuts en novembre 2018 et se sont intensifiées au cours des dernières semaines.

Le Président Emmanuel Macron s’était préparé à s’adresser à la nation pour détailler de nouvelles mesures en réponse aux manifestations. Mais alors que la cathédrale Notre-Dame s’enflammait ce soir-là, M. Macron a mis fin à son discours et s’est servi de la dévastation d’un monument iconique et bien-aimé pour appeler à l’unité nationale.

C’est peut-être difficile à vendre. La colère qui attire les gens vers les barricades a été alimentée par le sentiment que l’intérêt national a longtemps été miné par la classe économique de M. Macron, les financiers globe-trotters qui ont fait de la France un refuge pour les riches. Ce grief a été amplifié par la crainte que les plus riches de France puissent bénéficier d’allégements fiscaux pour leurs dons importants destinés à la reconstruction de la cathédrale.

En partie, la colère qui attire les gens vers les barricades reflète les forces à l’œuvre dans une grande partie du monde développé, car l’abondance de l’expansion économique coule de façon disproportionnée pour les riches. Mais les manifestations ont aussi puisé du carburant dans les lamentations plus étroitement françaises : Le système de protection sociale traditionnellement généreux néglige de plus en plus les couches clés de la population, en particulier les jeunes, et fait trébucher des notions profondes d’équité qui remontent à la Révolution française.

Les gilets jaunes ont libéré cette maison et espèrent la reconstruire en tant que bureau administratif pour consolider le mouvement dans le temps.

« Le gouvernement promeut très fortement l’égalité « , déclare Louis Maurin, directeur d’un institut de recherche de la ville de Tours. « Dans toutes les écoles de France, c’est écrit sur les murs : liberté, égalité, fraternité. Pourtant, tout le monde pense que les gens jouent avec le système fiscal. Le sentiment d’être trompé peut vous mettre vraiment en colère. »

Bien que la France puisse sembler un bastion de l’égalitarisme par rapport à des sociétés manifestement inégales comme les États-Unis, elle a vu se creuser le fossé qui sépare les riches du reste du pays. Selon l’économiste français Thomas Piketty, les revenus moyens des 1 % des ménages français les plus riches ont doublé entre 1983 et 2015, tandis que les 99 % des ménages les plus pauvres n’ont augmenté que d’un quart.
Au-delà de ces grands indicateurs, la France est divisée par de profondes inégalités : entre communautés urbaines et rurales, entre salariés à temps plein et intérimaires, entre diplômés d’universités prestigieuses et masses plébéiennes. Et surtout, entre les retraités, qui conservent le droit divin à la retraite, et les jeunes exclus des programmes d’aide sociale.

Les gilets jaunes résonnent comme un cri primal de la classe ouvrière française à la glitterati parisienne, évitant l’impôt et accaparant la richesse, rendue possible par un gouvernement maintenant dirigé par l’un des siens, M. Macron, un ancien banquier d’affaires. Mais le mouvement se consume aussi d’une aspiration historique française : protéger et même étendre les programmes nationaux d’aide sociale face aux inquiétudes suscitées par l’endettement croissant et la stagnation de la croissance économique.

Ces tensions existaient déjà lorsque M. Macron a accédé à la présidence il y a deux ans.
Il a prescrit des réformes visant à rajeunir l’économie. Dans son récit, les restrictions dépassées sur les affaires et l’hostilité institutionnalisée envers les riches ont entravé l’esprit d’entreprise. Un code du travail forgé au fil des siècles pour protéger les travailleurs décourageait l’investissement, ce qui donnait un taux de chômage coincé au-dessus de 9 %.

M. Macron s’est engagé à rendre la France hospitalière au capital mondial, en échangeant les protections des travailleurs pour la relance économique. Il a facilité la tâche aux employeurs qui voulaient congédier des travailleurs en partant du principe que cela les inciterait davantage à embaucher. Il a réduit les impôts des ménages français les plus riches.
A l’étranger, les financiers célèbrent le jeune et charismatique nouveau président qui a remplacé le récit du déclin par le dynamisme. Pourtant, à l’intérieur de la France, et surtout à l’extérieur de Paris, l’ordre du jour de M. Macron résonnait comme une lutte de classes.

Claudine Malardie reçoit de l’Etat une pension d’invalidité de 860 euros par mois et paie 300 euros par mois de loyer pour un appartement subventionné.

Désireux d’éviter des coupes périlleuses et impopulaires dans les programmes d’aide sociale, il a augmenté une gamme d’impôts sur la classe moyenne et les travailleurs pauvres. Il réduisait les impôts des gens qui portaient des costumes de créateurs, ses collègues de la série de Davos, tout en collant la facture sur ceux qui portaient des bottes de travail pour gagner leur vie.

De telles politiques provoqueraient probablement de la colère n’importe où. En France, où l’égalité est plus qu’un mot gravé sur les monuments, mais un code moral, elle a suscité la rage.
« Macron s’adresse aux riches « , dit Nadia Benkmis, 36 ans, mère de six enfants ici à Bourges, une ville modeste située à 130 kilomètres au sud de Paris. « Il veut exterminer les pauvres, comme les Juifs ont été exterminés. »
Elle dit cela alors qu’elle se tient debout dans le stationnement d’une banque alimentaire locale, portant deux sacs d’épicerie remplis d’aliments donnés. Les étagères intérieures offrent une corne d’abondance digne de la France : poireaux brillants, biftecks, camembert. Pour Mme Benkmis, ses visites hebdomadaires sont un rappel mortifiant de sa station perdue.
« Ma famille était riche quand j’étais petite, dit-elle. Sa propre vie a tracé l’arc de la mobilité descendante. Elle avait l’habitude de faire le ménage, mais elle y a renoncé quand le plus jeune de ses six enfants est né il y a un an. Elle n’a pas droit aux allocations de chômage.
Son mari ne travaille pas non plus. S’il le faisait, ils renonceraient aux prestations gouvernementales qui les soutiennent aujourd’hui : environ 1 200 euros (1 350 dollars) par mois d’aide en espèces pour leurs enfants, plus une allocation logement mensuelle de 500 euros.
Ce genre de calculs s’entremêlent dans la vie quotidienne de Bourges. Autrefois plaque tournante des usines de munitions, la ville a perdu des emplois au cours des dernières décennies. Les autres exploitations ont tendance à embaucher des travailleurs temporaires, ce qui reflète une tendance nationale.

Une brasserie appartenant à Karine Laina et son mari. Ils soutiennent le mouvement des gilets jaunes en raison des accusations portées contre les petites entreprises.
Au cours des 18 dernières années, le nombre de contrats de travail à durée indéterminée en France est resté stable à environ un million, tandis que le nombre de contrats de moins d’un mois est passé de 1,6 million à 4,5 millions, selon Philippe Askenazy, économiste du travail au Centre national de la recherche scientifique français. Seule la moitié environ des personnes sous contrat de courte durée ont droit à des allocations de chômage.
« Les patrons préfèrent embaucher des travailleurs temporaires « , explique Virginie Bonnin, 40 ans, qui travaille dans des usines locales de pièces d’automobile.

« Nous sommes jetables. »

Mère célibataire de trois filles, Mme Bonnin gagne 1 900 euros par mois. Elle apprend les jeudis soirs quels seront ses horaires pour la semaine à venir. À la fin de son emploi, elle perçoit des allocations de chômage d’environ 1 400 euros par mois.
« Je ne suis pas la plus mal lotie », dit-elle. « Mais c’est délicat. A cette époque, je ne mangerai pas de viande pour que les enfants puissent manger de la viande. » Ses dernières vacances d’été, une institution sacrée française, remontent à deux ans.
Mme Bonnin a été incitée à se joindre aux Gilets jaunes par la même mesure qui a mobilisé une grande partie du pays, une taxe sur l’essence qui devait entrer en vigueur en janvier.

M. Macron en a fait la promotion comme moyen d’adaptation au changement climatique. En dehors des grandes villes, où les gens comptent sur les voitures pour se déplacer presque partout, elle a prouvé que le président était indifférent à la classe ouvrière. « Macron se préoccupe de la fin du monde », disait un slogan de la veste jaune. « Nous sommes préoccupés par la fin du mois. »
Cette accusation a été portée même après que M. Macron eut suspendu la taxe sur l’essence en raison de la fureur de la veste jaune.
« Devoir faire des sacrifices alors que les gens riches ne paient plus d’impôts, dit Mme Bonnin, c’est un sentiment de désespoir et d’injustice sociale.

A Grigny, où vivent de nombreux immigrés, certains résidents ont loué les gilets jaunes pour réclamer de meilleurs salaires. Mais ils se souviennent aussi de la façon dont les protestations locales contre les brutalités policières en 2005 ont été largement rejetées comme le travail de voyous.

Cette notion anime beaucoup de participants du Gilet Jaune. Plus qu’une menace pour les moyens de subsistance, les réformes de M. Macron constituent une violation de l’ordre social français, une attaque contre l’idée que l’État veille sur les personnes en difficulté.
Cette pensée est particulièrement répandue chez les blancs nés en France, qui dominent les rangs des gilets jaunes. Nombreux sont ceux qui se font l’écho des sentiments entendus en Europe dans un contexte d’afflux de migrants musulmans, et aux États-Unis, où le président Trump a fomenté la peur des immigrés. Ils prétendent que des personnes de l’extérieur profitent des prestations qui devraient être versées aux travailleurs nés en France.

Coralie Annovazzi, 20 ans, vit toujours chez ses parents et travaille comme serveuse temporaire. Elle ne reçoit aucune aide financière du gouvernement parce que les personnes de moins de 25 ans ne sont pas admissibles.
La pauvreté des Français de 18 à 25 ans est passée de 8,8 % en 1984 à 14 % en 2015, après prise en compte des impôts et des subventions du gouvernement, selon M. Askenazy. Au cours de la même période, la pauvreté chez les personnes âgées de 51 à 65 ans a chuté de 11 % à 7 %.

« Il n’y en a pas assez pour les jeunes « , dit Mme Annovazzi, alors qu’elle est assise sous une tente dans un camp de gilets jaunes.
Mais ses mots les plus durs sont réservés aux migrants qui vivent dans un motel voisin, le long d’un tronçon d’autoroute sans vie.
Près de 100 jeunes hommes d’Afghanistan, du Soudan et d’autres pays déchirés par la guerre sont assis dans leur chambre, sans énergie, incapables de travailler en attendant que leur demande d’asile soit traitée. Ils subsistent grâce à des subventions publiques d’environ 200 euros par mois.

Si les Noirs avaient afflué en masse dans les manifestations, a déclaré Checkene Sacko, 18 ans, la police « se serait déjà autorisée à tous les abattre » :
Pour Mme Annovazzi, leur présence révèle comment les Français de naissance ont vu leur statut usurpé.
« Ces migrants, ils ont reçu les dernières baskets, les derniers smartphones « , dit-elle. « Tout cela est payé par l’État. »
Claudine Malardie, 53 ans, acquiesce avec enthousiasme.
« Si vous êtes française, vous n’avez pas d’aide », dit-elle. « Donnez-moi un pot de peinture noire et je me peindrai le visage en noir, et j’aurai des avantages. »
En fait, Mme Malardie reçoit des prestations, soit 860 € par mois d’invalidité. Elle paie 300 € par mois de loyer pour un appartement subventionné par l’Etat.

De telles attitudes ont éloigné les gilets jaunes des communautés minoritaires.
A Grigny, une banlieue isolée au sud de Paris, des familles immigrantes africaines et arabes remplissent des tours d’appartements de 15 étages délabrées. Les ascenseurs sont souvent hors service, forçant même les femmes enceintes à monter les escaliers. Les gens se plaignent de ne pas pouvoir trouver d’emploi, car une adresse Grigny est une marque de mauvaise réputation.

« Nous sommes traités comme des étrangers « , dit Checkene Sacko, 18 ans, née en France, fils d’immigrants maliens.

Lui et d’autres à Grigny applaudissent les Gilets Jaunes pour avoir exigé de meilleurs salaires. Mais ils rappellent que les protestations locales contre les brutalités policières en 2005 ont été largement rejetées par le public français comme étant l’œuvre de voyous, contrairement à la lionisation des gilets jaunes. Une taxe sur l’essence, notent-ils, ne pose problème que pour les gens qui ont les moyens de se payer une voiture.

Les habitants de Mehun-sur-Yèvre, dans le centre de la France, ont déploré la fermeture de magasins dans le centre de la ville.

« Ce sont des gens qui ont un emploi, dit M. Sacko. « Ce sont surtout des Blancs. »
Si les Noirs avaient afflué en masse dans les manifestations, ajoute-t-il, la police « se serait déjà autorisée à les abattre tous ».

Malgré les tropes racistes, les gilets jaunes ont deviné une vérité décisive : les travailleurs pauvres ne peuvent plus tenir pour acquis le secours de l’État français.
Pendant la majeure partie du XXe siècle, la France a été gouvernée par l’idée que l’imposition progressive et les programmes d’assurance sociale financés par l’État étaient le meilleur moyen de préserver l’amitié.

Mais au début des années 1980, le gouvernement a commencé à réduire l’aide aux personnes à faible revenu. En 2014, à peine 20 % des prestations en espèces du gouvernement allaient aux ménages du cinquième inférieur des revenus français, selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques. C’était moins que la Finlande (42 %), la Grande-Bretagne (33 %) et même les États-Unis (22 %).
Inverser cette tendance, c’est faire face à une arithmétique difficile. La dette publique française représente 97 % de la production économique annuelle du pays, selon le Fonds monétaire international. La France est l’un des 19 pays qui partagent l’euro, et sa capacité à creuser davantage son déficit, limitant ainsi ses dépenses sociales, est sérieusement limitée.

Face aux manifestations du gilet jaune, le président Macron a renoncé à certaines hausses d’impôts et a relevé le salaire minimum. Mais cela n’a pas réussi à calmer les manifestants, laissant la France dans un endroit familier : incapable de secouer une économie paralysée par les dépenses, et incapable de soutenir l’aide aux pauvres. À moins que M. Macron n’ait soudainement eu tendance à taxer les riches.

Un samedi dernier, à Bourges, Mme Bonnin et d’autres militants traînent sur un passage pour piétons, bloquant des voitures dans un spectacle de consternation face à la trajectoire de la vie française. Trois policiers leur demandent de laisser circuler la circulation, ce qui leur apporte une feinte de conformité.

Un manifestant transporte un orateur qui souffle une chanson de protestation:

« Macron, ferme ta gueule », le refrain résonne. « Ce sera bon pour la France. »

Source: France, New york time

David SCHMIDT

Journaliste reporter sur Davidschmidt.fr. Chroniqueur radio sur Form.fr.

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